Vénère : Être une femme en colère dans un monde d’hommes

Essai de Taous Merakchi.

Quatrième de couverture« Parce que je suis une femme, j’ai peur de sortir seule la nuit, de porter des vêtements qui me plaisent, d’exprimer mon opinion ou mes émotions. Ces peurs sont à l’origine d’une immense colère que j’essaie de contenir tant bien que mal. Cette colère, ça fait désormais trente-quatre ans que je vis avec et qu’elle me ronge les tripes, au point de se retourner régulièrement contre moi. Lassée d’être seule à en subir les conséquences, j’ai donc cherché à comprendre quels en étaient les origines et les éléments déclencheurs, afin de l’assainir et de la diriger non plus contre moi-même, mais contre ceux qui la méritent. » Taous Merakchi prend ici la parole pour toutes les femmes qui n’en peuvent plus d’avoir peur, de ne pas être prises au sérieux et de toujours devoir se justifier.

L’autrice parle de sa colère d’être à la merci de la convoitise débridée et poisseuse des hommes, sa colère d’avoir peur quand elle marche dans la rue la nuit, sa colère d’avoir peur des hommes en permanence, sa colère de savoir ce que vivra sa fille, simplement parce qu’elle est femme. « C’est pas tellement qu’on fait le choix d’être en colère, c’est qu’on ne peut pas faire autrement, quand on choisit d’ouvrir vraiment les yeux. » (p. 32) La colère, chez Taous Merakchi, ce fut longtemps une douleur intérieure et brûlante : elle en a fait un moteur et une force.

Un immense merci, Taous Merakchi, d’avoir mis les mots sur ce qui me torture souvent, à savoir ne pas être raffinée et élégante dans mon quotidien et dans mes rages. Et pourquoi faudrait-il que je le sois ? Pourquoi ma colère devrait-elle être polie, policée ? Elle est belle comme elle est : foutraque, brouillonne, bouillonnante, hystérique, féministe, féminine.

La colère est légitime parce que l’indifférence et la patience ont fait leur temps. Le ressenti brut, brutal, c’est la preuve qu’on existe encore et qu’on a quelque chose à défendre : une cause, son corps, la liberté, ce que vous voulez.

Évidemment, ce texte va directement dans ma bibliothèque féministe !

Je vous laisse avec des extraits forts, très forts.

« Ne me regardez pas, sauf si c’est pour me craindre, m’admirer respectueusement, ou vous prosterner sur mon chemin. C’est pourtant pas compliqué. » (p. 40)

« Comment pourrais-je lutter contre les hommes si je leur apparais aussi bête et aussi futile qu’ils m’imaginent ? Comment faire valoir ma parole si mes références sont plus hollywoodiennes que sorbonnesques ? Et pourtant, c’est là que j’ai trouvé, pour l’instant, la meilleure illustration de ma rage. C’est là que je vois mon reflet, que je me sens entendue, écoutée, comprise et représentée. Alors j’y vais à mon rythme, et chaque jour je lutte pour ne pas culpabiliser, pour ne pas me juger, pour ne pas me mépriser, et je me nourris des autres plutôt que de me comparer à eux, et un jour, peut-être, viendra l’équilibre. Et ma colère trouvera mieux à faire ailleurs, je l’espère. » (p. 13)

« Ce qui me fascine dans cette émotion et le rapport qu’on entretient avec elle, c’est son côté cheval de Troie. Quand la colère domine notre bouquet d’émotions personnel, elle cache toutes les autres en elle. Quand on ouvre la trappe, on peut voir tomber la peur, la tristesse, l’anxiété, les névroses diverses et variées accumulées au fil des années, tout est lié. » (p. 20)

« On nous refuse des libertés et des droits fondamentaux, on n’a pas le droit aux mêmes privilèges, et en plus on s’étonne quand on s’en offusque et on nous accuse d’être naïves et d’ignorer la nature humaine. » (p. 50)

« Je m’en veux de continuer à faire la roue pour des tocards qui ne savent même pas s’essuyer le cul correctement. Et pourtant, j’ai constamment peur de les décevoir, quand je les aime, et de leur paraître inférieure, même quand je les méprise. » (p. 119)

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