Dans les montagnes de la Virginie-Occidentale, les hommes distillent encore leur whisky, poison presque moins nocif que les eaux polluées par les mines de charbon, et les femmes passent de leur père à leur mari. « J’ai pas tellement d’occasions de boire, mais j’ai un tas de raisons de le faire. » (p. 134) Wren, la fille du prédicateur et manipulateur de serpents, veut échapper à cette vie, lire des livres et voir au-delà de sa maison cachée dans les bois. Quand son père réalise un miracle en sauvant une femme du feu, tout se précipite et plus rien ne sera comme avant. « Son accident avait ouvert en grand mon monde désert. Il m’avait rendue téméraire. Vivante. » (p. 52) Le récit explore alors l’amitié indéfectible de Ruby et Ivy, résolue à ne pas subir le destin de leurs mères dans cette région perdue. « Les hommes de la montagne tenaient la barre de leur propre histoire, et les femmes leur tenaient lieu de rames. » (p. 12) Des secrets lovés dans le passé se déploient soudainement et les crocs de la vengeance ont des conséquences terribles sur les vivants.
Entre Betty et My Absolute Darling, ce roman dresse le portrait d’une jeune femme qui combat son destin en l’embrassant pleinement. « Nous, les femmes, on est pas aussi libres que vous de faire ce qui nous chante. Pour vous autres, ça va tellement de soi que ça m’écœure. » (p. 12) La relation profonde entre Ruby et Ivy est l’illustration même de la sororité : chacune sait les frayeurs de l’autre, ses fautes et ses failles, mais reste loyale en dépit de tout. « Dans un monde d’hommes méchants, nous nous sommes battues pour être bonnes l’une envers l’autre. » (p. 154) L’histoire est racontée par Wren, adolescente à un point de bascule. Son propos est sincère, sans concession et généreux : tous les protagonistes seront cités, même les moins glorieux, même les plus honteux. En se délestant de son récit, Wren se donne la chance de poursuivre sa vie. « La vérité s’aigrit si elle s’attarde trop longtemps dans nos bouches. Les histoires, comme les bouteilles de moonshine, sont faites pour être distribuées. » (p. 10)
Je tiens sans doute là mon premier coup de cœur de l’année. La plume est forte et très évocatrice. « Par-delà ces collines, les miens sont connus pour le mordant de leur gnôle et la pauvreté de leur cœur. » (p. 8) Et, surtout, les personnages féminins sont puissants, inoubliables.