Recueil de nouvelles de Philippe Claudel.
Hyppolite Framottet est un industriel bourgeois très sûr de son importance. « Il était reçu chez l’évêque, le préfet, quelques secrétaires d’État. Il en concevait une fierté de dindon. Il aspirait à la députation. » (p. 8) Il a fait fortune dans les jouets en bois, mais alors que la demande explose pour un certain type de miniatures, l’orgueil rance teinté d’humiliation d’Hyppolite le précipite vers la faillite.
Firmin Vouge est le meilleur tourneur de l’atelier : il connaît le bois et il sait faire parler les machines. Comme tous les autres hommes du village, il doit rejoindre le front en 1914. « Alors que beaucoup de soldats écrivaient leurs souffrances et leurs pensées profondes, Firmin dessinait des jouets. Son éphéméride de la boucherie universelle se composait de toupies, de moines, de totons, de pantins désarticulés, de poupées à emboitage, de chevaux chantournés, de soldats de bois à la face rieuse. C’était sa façon à lui de survivre. » (p. 36) Hélas, la guerre a des conséquences pires que la mort pour ceux qui reviennent au pays.
Un homme, ancien enfant de l’Assistance, décide un matin de tout quitter pour vivre enfin. « Il lui avait fallu plus de soixante ans enraciné quelque part avant d’oser couper les liens ténus et partir sans autre but de voyage que cette errance elle-même. » (p. 75) Au hasard de son périple, dans un musée poussiéreux, un Pierrot en bois réveille ses souvenirs et renomme un passé qui avait disparu.
Trois histoires, trois portraits, trois façons de peindre la douleur, qu’elle soit physique ou intime. Alors que, selon l’image d’Épinal, le jouet renvoie à l’enfance joyeuse et insouciante, Philippe Claudel en fait des témoins cruels des défauts humains, toujours avec des phrases délicates où la pudeur le dispute à la poésie. J’ai dévoré ces quelque 80 pages en moins d’une heure et je sais que c’est un texte vers lequel je reviendrai souvent.