Roman de Wendy Delorme.
Dans une dystopie caniculaire, nataliste et anti-culturelle, enclose dans des frontières punitives et excluantes, chacun et chacune doit contribuer par son travail et sa progéniture. Plusieurs personnes prennent la parole pour parler d’avant, quand le Pacte national n’avait pas été voté. « Personne ne devrait, selon la loi des autres, vivre une vie emmurée. » (p. 57) Rosa, Grâce, Raphaël, Ève et Louise se souviennent soit de cette ancienne communauté indépendante composée de sœurs, soit du temps où l’on pouvait lire ce que l’on voulait, soit de leurs sexualités désormais condamnables. « Mon récit commence comme s’achève mon histoire. C’est celle d’un grand massacre. D’une foule prisonnière, cerclée par la police. » (p. 61) Toutefois, comme dans toute société dysfonctionnelle, la résistance est inévitable : l’humanité n’accepte pas indéfiniment d’être étouffée. « Une main qui se pose sur la peau nue d’un bras, une page que l’on lit, pour soi ou à voix haute, sont les seuls remèdes à notre aliénation. » (p. 168)
Je découvre Wendy Delorme avec ce roman qui ne cache pas les hommages qu’il rend à des monuments de la littérature : La servante écarlate, Fahrenheit 451, Les guérillères et bien d’autres cités en fin d’ouvrage. C’est une lecture forte et militante qui écrit avec intelligence et délicatesse sur l’homosexualité et les identités sexuelles. Je retiens une phrase que je trouve lourde de sens : « Pour se protéger du monde, il faut devenir invisible, transparente. Qui n’a pas de contours ne devient jamais cible. » (p. 27)