
Pièce de Jean Genet.
Solange et Claire, sœurs, domestiques et criminelles. Les instructions liminaires de la version définitive de la pièce nous préviennent : « Ces deux bonnes ne sont pas des garces : elles ont vieilli, elles ont maigri dans la douceur de Madame. » (p. 9) Chaque soir, pour se purger de leur rancœur, elles rejouent la même scène : à tour de rôle, elles incarnent Madame et parodient ses exigences bourgeoises. La pantomime a des airs de cérémonie, de procès, mais surtout de répétition générale. Ce qui se joue dans la chambre de Madame, c’est un plan bien huilé qui n’attend que sa victime. Les sœurs ont déjà envoyé en prison l’amant de leur patronne, il ne leur reste qu’à administrer le coup final. Mais bien que complices, Claire et Solange sont également rivales. « J’en ai assez de ce miroir effrayant qui me renvoie mon image comme une mauvaise odeur. Tu es ma mauvaise odeur. » (p. 58)
Dans cette pièce férocement acide, Jean Genet décrit de terribles liens de codépendance, entre amour et haine. Si servitude il y a, on se demande qui a vraiment besoin de qui. Les sœurs adorent autant qu’elles jalousent et méprisent Madame qui, inconsciente des sentiments ambivalents de ses bonnes, se félicite d’une charité qui ne lui coûte rien. « Elle nous couvre de fleurs fanées. » (p. 91) Comme l’auteur le précise dans ses instructions, sa pièce n’est pas une critique sociale. « Une chose doit être écrite : il ne s’agit pas d’un plaidoyer sur le sort des domestiques. Je suppose qu’il existe un syndicat des gens de maison – cela ne nous regarde pas. » (p. 12) Les Bonnes, c’est le tableau aigre d’une intimité nauséabonde, empuantie des relents tièdes de la lassitude et des rêves impossibles.
J’ai relu avec délectation cette pièce de théâtre qui a secoué mon adolescence. Je pense à ce texte à chaque fois (et c’est très fréquent) que j’entends le titre « Maudite Clochette » de Juliette Noureddine. Évidemment, je vous recommande l’œuvre de Jean Genet.
C’est une pièce que j’adore !
Pareil !