Ouvrage de Marie-Hélène Champlain. Photographies de Samuel Dhote.
« Dans ce plat pays flamand bombé de quelques monts et bordé par la mer, la bière a trouvé une terre à son goût dont elle se nourrit sans partage : ici, pas de vignes à flanc de coteau, mais des rangées de houblons sur leurs échasses, plus hautes encore que les géants qui peuplent les rues et les places lorsque l’ambiance est à la fête ! » (p. 7)
Depuis la préhistoire, la bière nourrit et désaltère les hommes. Elle est présente dans les célébrations religieuses et dans les fêtes païennes et civiles. Elle appelle au partage de moments conviviaux. Et en Flandre, la bière et l’activité brassicole sont bien plus que cela : elles sont une industrie, une histoire, un patrimoine vivant.
Marie-Hélène Champlain retrace le destin de quelques petites ou grandes dynasties brassicoles du nord de la France. « Le brasseur est un personnage important de la vie sociale du village. Ce n’est d’ailleurs pas innocent si plusieurs brasseurs sont devenus maires, parfois même de père en fils. » (p. 43) Elle rappelle qu’à 1 ou 2 degrés, la bière était servie en bol pour le goûter des enfants, distribuée aux moissonneurs et recommandée aux jeunes accouchées pour faire monter le premier lait. La bière, c’est une boisson nourricière à plus d’un titre !
Pendant plusieurs siècles, la bière a été la boisson principale dans presque tous les foyers. Mais la Première Guerre mondiale et les impératifs de l’industrialisation ont freiné cette activité, d’autant plus que le produit de la fermentation basse a fini par lasser : trop fade et jugée sans caractère, la bière légère a été délaissée pour d’autres breuvages. « À partir des années 1960, le désamour pour la bière touche l’ensemble des consommateurs. Chez les enfants, la limonade, le soda ou les eaux pétillantes ont l’attrait de la nouveauté et séduisent durablement. À l’école, le lait a remplacé le traditionnel bol de bière et à table, on boit de l’eau. » (p. 75)
Depuis quelques années, de nouvelles brasseries voient le jour et réhabilitent un art qui a failli se perdre, en créant de nouvelles bières : la qualité prévaut sur la quantité ! Et comme le dit l’héritier de la famille Ricour, « la bière, c’est un peu comme la cuisine. Il faut un chef rigoureux, de bons produits, du palais, un savoir-faire et une exigence sur la qualité ! » (p. 87) La brasserie des années 2010 redonne ses lettres de noblesse à une boisson qui sait rester populaire, mais aussi trouver sa place sur les bonnes tables et dans les grandes occasions. La bière de soif n’est pas morte – et heureusement ! –, mais la bière de dégustation sait s’imposer !
L’ouvrage s’achève sur une présentation des trésors de la Flandre, de la table aux visites, des loisirs aux célébrations. Outre les clichés de Samuel Dhote qui subliment les paysages, les récoltes et la boisson, l’ouvrage fait la part belle à des illustrations diverses : images d’archives, cartes postales et vieilles photographies, affiches commerciales et étiquettes de bières. Et quel plaisir de trouver en fin d’ouvrage quelques recettes appétissantes, à base de bière évidemment ! Je ne résiste pas à vous en montrer une que je vais tester sans attendre (passion fromage…) !
Désormais, quand sur une terrasse lilloise ou dunkerquoise vous porterez à vos lèvres un verre de boisson blonde ornée d’une mousse claire, vous saurez que c’est la Flandre tout entière qui vous cavale dans le gosier et vous régale ! Je préfère les bières de type stout, noires et épaisses, comme une célèbre marque irlandaise à la bouteille aussi sombre que son contenu, aux bières blondes et légères des Flandres, mais Brasseries de Flandre enrichit agréablement ma découverte du pays de Flandre que je parcours avec plaisir depuis mon installation dans sa capitale en début d’année. Et il m’a donné follement envie de revoir la série télévisée Les Steenfort, maîtres de l’orge.