« Parce qu’il investit le corps tout entier, ce jeu fait de détours et d’écarts présente souvent une dimension sensuelle et érotique. » (p. 14) Voilà un singulier postulat pour un sport longtemps considéré comme l’apanage des aristocrates et de la grande bourgeoisie. Franck Évrard étudie le langage du corps sur le court et met à jour des pulsions plus moins bien contenues.
« Si une érotique du tennis se fonde nécessairement sur les rapprochements réels ou métaphoriques entre Eros […] et l’univers du tennis, elle ne peut occulter la dimension littéraire de la fiction et de la représentation. » (p. 20) Les fictions (littérature et cinéma) qui font du tennis un ressort dramatique concourent à créer une imagerie artistique de ce sport. De Marcel Proust à David Foster Wallace en passant par Nabokov, Woody Allen et Jacques Tati, le tennis se donne comme métaphore, métonymie, sublimation et incarnation d’un désir qui s’épanouit ou se nécrose entre deux échanges de balles.
« L’éros tennistique se convertit en une mystique de la petite balle jaune qui sublime joueurs et public dans une communion sacrée. » (p. 27) Si le vocabulaire utilisé dans ce texte est souvent celui de la religion et du sacré, l’essai se donne comme puissamment sensuel. L’éros est à la fois le sujet et le langage de cette réflexion. Qu’il s’agisse de la raquette dressée, de la balle duveteuse, de la jupe plissée ou de la terre battue, tous les acteurs du tennis sont dépeints et présentés avec sensualité. Qui aurait cru que le tennis, ce sport qui se jouait jadis en pantalon et jupe longue, serait le plus propice à la manifestation du désir ?
C’est avec talent et clarté que Franck Évrard met en évidence les différentes oppositions qui sous-tendent et alimentent le tennis. On oscille entre corps sportif et corps sexué, entre souffrance et jouissance, entre pudeur et perversité, entre concentration et explosion, entre règles et transgressions. Les joueurs qui s’affrontent sur le court sont à la fois couple et duel. Le public ne se lasse pas des affrontements sur le court, mais sait-il vraiment ce qui se joue sur la surface tendue de lignes blanches et saignée d’un filet hiératique ?
Il est difficile et vain de vouloir résumer la pensée de Franck Évrard. Son essai s’adresse aux joueurs du dimanche ou aux amateurs qui, comme moi, ne rateront jamais une finale du Grand Chelem. Aucun doute, le tennis et tous ses attributs sont porteurs de fantasmes. On ne saurait regarder le filet du même œil après avoir lu l’essai de Franck Évrard… Que vous soyez amateurs ou passionnés de tennis, cet essai remportera le point. Jeu, sexe et match !