Roman graphique d’Aminda Dhaliwal. Mise en couleurs par Nikolas Ilic. Traduction de Clémentine Beauvais.
La population masculine a disparu et après plusieurs catastrophes écologiques et économiques, il ne reste que des femmes sur Terre. Plusieurs générations se côtoient dans des petits groupes où chacune à son rôle. Se pose la question d’une reproduction 100 % féminine pour que l’espèce humaine ne disparaisse pas. Dans la communauté que nous suivons, la mairesse est constamment nue et aussi blonde en haut qu’en bas. Elle fait de son mieux pour organiser la vie de ses compagnes, mais sans tyrannie. Les femmes sont paresseuses quand elles veulent, mais aussi maladroites, contradictoires, et encore indépendantes, fortes et déterminées. Puisqu’il n’y a plus d’hommes, les amours lesbiennes sont devenues la norme, mais ce n’est pas plus simple pour autant : parce qu’aimer, quel que soit le sexe de l’autre, c’est toujours extraordinairement complexe. Et si vous pensez que la disparition du prétendu sexe fort règle toutes les questions, détrompez-vous… « Tu penses que le féminisme existe encore ? / Ben, dans un monde où y a que des femmes, non seulement ça existe, mais c’est la réalité. / Oui, mais si le féminisme, c’est l’égalité des hommes et des femmes… S’il n’y a plus d’hommes, y a plus de féminisme. / OK, juste mate les étoiles. » (p. 192)
Cette œuvre n’est pas un pamphlet misandre, même si les hommes en prennent largement pour leur grade. « Parfois mon cœur saigne et pleure. Quelle tristesse ! Je ne verrai jamais d’hommes. Personne pour m’expliquer ce que je sais déjà. » (p. 45) C’est une démonstration intelligente et drôle qu’aucun des deux sexes ne peut vivre sans l’autre. Et donc que le féminisme ne projette pas d’anéantir les porteurs de zizi ! Donc, Messieurs, détendez-vous et avancez avec nous pour construire un monde meilleur. Le monde sans homme ne serait ni meilleur ni moins angoissant : nous demandons simplement à le partager avec vous, et non à devoir vous l’arracher. Ah, et aussi, lâchez-nous les ovaires : notre corps est à nous et nous en faisons ce que nous voulons ! « Quand il est question du corps des femmes, là, tout le monde a son mot à dire. » (p. 21)
Les dessins sont simples, avec des aplats de couleurs très efficaces : ce qui compte, c’est plus la dynamique et le geste que le détail, et notre imagination comble les vides. Les scènes sont souvent désopilantes et présentent des situations et des émotions complexes sous couvert d’un humour qui se veut détaché et léger. Les œuvres développant l’absence d’hommes et des sociétés exclusivement féminines m’intéressent beaucoup, car elles se complètent et m’aident à forger mes convictions féministes. Je vous conseille Moi qui n’ai pas connu les hommes de Jacqueline Harpan et Herland de Charlotte Perkins Gilman.