Après une guerre cataclysmique, les rares humains survivants se sont réfugiés dans le métro et la vie s’est organisée dans chaque station, avec des règles partagées, mais aussi des zones plus autoritaires. « De toutes les espèces, l’humanité a toujours été la plus douée pour dispenser la mort. » (p. 23) L’obscurité est terrifiante, tout autant que la vermine qui déferle de partout et les attaques des « Noirs », ces êtres mutants qui descendent de la surface ravagée pour répandre la mort dans les tunnels. « Les Noirs, ce n’est pas de la vermine, ce n’est pas de la non-vie. C’est l’Homo Novus, la prochaine étape de l’évolution, bien mieux adaptée que nous à son milieu. L’avenir est derrière nous. » (p. 75) Artyom, orphelin sauvé des rats, grandit dans la station VDNKh. Rattrapé par les conséquences d’une erreur et envahi par la culpabilité, l’adolescent accepte une mission périlleuse : rejoindre Polis pour délivrer un message. Cette station peuplée d’intellectuels et d’artistes est le dernier lieu de culture et de science. Mais pour la rejoindre, Artyom doit remonter la ligne et passer de nombreuses stations où il n’est pas le bienvenu. À cela s’ajoutent le mal des tunnel, forme de folie passagère inexplicable qui s’empare des voyageurs, et d’autres menaces inconnues. « Le danger ne provenait pas forcément du nord ou du sud, les deux directions prises par le tunnel. Il pouvait se terrer au-dessus, dans les conduits d’aération, à droite ou à gauche, dans les innombrables couloirs et passages qui débouchaient dans le tunnel principal, derrière les portes closes d’anciens locaux de service ou de sorties secrètes. » (p. 128)
De station en station, Artyom découvre des communautés différentes et des mœurs nouvelles. Et de péripéties en mésaventures, sa mission tourne au voyage initiatique. Impossible de ne pas penser au chef-d’œuvre de Richard Matheson, Je suis une légende, et à son épiphanie finale. Je ne pensais pas lire les suites, Métro 2034 et Métro 2035, mais l’extrême fin de ce premier opus m’a fait changer d’avis. Toutefois, je vais reprendre mon souffle et un peu d’air frais avant de replonger dans les galeries du métro russe ! « Désormais il comprenait à nouveau que le métro n’était pas simplement l’œuvre d’une compagnie de transport, ni simplement un abri antiatomique, ni la résidence forcée de quelques dizaines de milliers d’hommes. Quelqu’un y avait insufflé son étincelle de vie. Une vie mystérieuse et qu’on ne pouvait comparer à rien. Il comprenait à nouveau que le métro était pourvu d’une intelligence singulière et inintelligible à l’être humain et d’une conscience qui lui était étrangère. La sensation était tellement claire et nette qu’il sembla à Artyom que la peur des tunnels n’était rien d’autre que l’animosité de cette entité gigantesque […] envers les êtres chétifs qui grouillaient en son sein. » (p. 442) Petit conseil à mes lecteurs : si vous n’aimez pas les espaces clos, sachez que cette lecture est follement claustrophobique !
Je comprends parfaitement que le roman ait été adapté avec succès en jeu vidéo. Il y a dans ces pages des multitudes de quêtes et d’adversaires, sans aucun doute de quoi produire une progression vidéoludique longue et passionnante. Il me semble que le roman se prêterait également à une adaptation en série télévisuelle, tant chaque chapitre a des airs d’épisodes, de quasi-feuilleton. Voici une lecture au long cours, presque 3 semaines pour en venir à bout, mais avec un plaisir certain !