C’est l’auteur qui parle ici. Il se surnomme Grincheux parce que dans l’exercice toujours complexe de l’écriture d’un ouvrage collectif, il est celui qui fait la gueule. Il présente son travail d’écrivain, son passage d’une maison d’écriture parisienne qui a pignon sur rue à une autre, plus modeste, montreuilloise, avec le risque d’être vu comme un auteur régional. Il raconte qui il est, ce qu’il croit être, ce qu’il refuse de devenir. « Je mettais autant de soins à ne pas adhérer à mon identité de Juif que la mouche en met à éviter le papier collant qui tombe en hélice du plafond. » (p. 19) Il nous fait part de la tournée de signatures et de soirées littéraires dans laquelle il s’est embarqué pour présenter cet abécédaire collectif qui traite d’humour juif. Il y a trop de vodka, de harengs et de cornichons aigres-doux, et pas vraiment de Dieu dans tout ça. « Ou Dieu n’existe pas. Ou Dieu existe, mais n’a pas le sens de l’humour. Dieu existe, mais ce n’est pas un Juif comme moi, Dieu existe, mais il est dans l’escalier, comme les concierges de mon enfance, Dieu est séfarade, ou bien il existe, mais en rêve. » (p. 27) Participant d’un débat relatif à l’humour juif, l’auteur propose une relecture désopilante et iconoclaste de l’épisode biblique où Abraham est sommé par le Très-Haut de sacrifier son fils. « L’humour de Dieu nous paraît, à hauteur d’homme, un peu spécial, on n’est pas obligé de toujours rigoler avec. » (p. 52)
Le texte est court, même pas 90 pages, mais ce sont des pages délicieusement hilarantes, un brin vachardes, bourrées d’autodérision. Tout en se défendant de compiler des blagues juives, Alain Gluckstein ne se gêne pas pour en glisser certaines qui méritent qu’on les retienne. Et surtout, il propose une définition de l’humour juif des plus pertinentes, ou impertinentes, à vous de voir ! « Tout l’humour juif, mais aussi la littérature juive, l’art juif s’insurgent non contre la religion, ses rites et ses prêtres, mais contre Dieu lui-même, allez voir le patron, les employés ne répondent de rien. » (p. 56) Ce petit bouquin se lit en une soirée, et c’est un vrai plaisir !