Ce livre n’est pas une fiction. Ce n’est pas non plus une biographie. « Ta vie est un roman, Tamara. Nul besoin d’inventer, de broder. Tout y est. » (p. 44) C’est plutôt la lente déambulation amoureuse d’une autrice dans l’existence d’une artiste qui a marqué sa sensibilité. Tatiana suit Tamara, de son enfance russe luxueuse à sa vie de bohème parisienne, de son mariage à ses secrètes amours lesbiennes ou bisexuelles, de ses folles nuits d’ivresse et de fête dans les cafés parisiens à ses heures ininterrompues de travail devant la toile. « Je me demande si tu aurais été l’artiste que tu fus sans la sauvagerie de la révolution russe. » (p. 44) Tatiana s’adresse à Tamara, dans un tutoiement qui tient autant de la connivence que de la tendresse. Il y a des liens invisibles entre elles, ceux que l’autrice se plaît à tisser et ceux qui, indéniablement, relient les deux femmes.
L’artiste que l’on découvre sous la plume de l’écrivaine, c’est une femme ambitieuse, sûre de son talent et de son art, avide de reconnaissance et de lumière. « Tu n’es pas plus jolie que les autres. Mais ton audace est immense. Presque démesurée. Il suffit d’un regard. Une démarche féline. Pas grand-chose après tout. » (p. 112) Provocante, séductrice, sensuelle et perfectionniste, Tamara de Lempicka vit mal le passage du temps. Après la gloire et la beauté insolentes, la peintre connaît le divorce, le veuvage, la dépression et, pire que tout, le désintérêt du marché de l’art. « Les tableaux ont la vie éternelle. Mais pas les artistes. Même pas toi. » (p. 270) Toutefois, grâce à Tatiana de Rosnay, les projecteurs se braquent une nouvelle fois sur l’artiste des années folle. C’est un bel hommage que l’autrice rend à cette artiste, et je l’ai de loin préféré à celui qu’elle a rendu à Daphné du Maurier. Je l’ai trouvé plus sincère, moins autocentré, plus généreux surtout.