Les Effinger, une saga berlinoise

Roman de Gabriele Tergit.

Dans les années 1870, avec la victoire de Bismarck sur la France, l’Allemagne développe son industrie et se modernise. Les fils Effinger, délaissant l’atelier familial d’horlogerie, tentent leur chance à Berlin. En s’alliant à la famille Oppner, ils fondent une famille prospère et ambitieuse, entourée d’ami·es et de partenaires. De crises économiques en succès commerciaux, cette nouvelle bourgeoisie industrielle louvoie dans l’Histoire de l’Europe jusqu’en 1948, date à laquelle le roman se referme. Fréquemment renvoyés à leur foi juive, les Effinger et leurs proches restent convaincus que leur pays les protégera. « Si un parti minoritaire refuse de nous compter parmi les Allemands, ce n’est pas notre affaire. Le principal, c’est que nous nous sentions allemands. » (p. 243)

En près de 1000 pages, Gabriele Tergit développe de longues réflexions sur le capitalisme, la servitude salariale, la pauvreté des travailleurs et le bon sens domestique. « Chez les Effinger, depuis toujours, on priait et on travaillait, et ce qu’on avait gagné en travaillant, on l’économisait autant que possible pour le grand âge, pour les vicissitudes de l’existence, pour les enfants. » (p. 182). Dans le cercle intime, elle montre l’inexorable vitalité de la jeunesse et la façon dont chaque génération pousse la précédente vers la sortie, à grand renfort de nouvelles mœurs et d’évolutions sociales. « Quand on vieillit […], on a toujours le sentiment d’être le dernier de quelque chose. » (p. 362) Les patriarches mènent les affaires de cœur et d’argent avec la même efficacité rigoureuse et voient d’un mauvais œil les excentricités de leurs enfants. « On se marie dans l’intérêt de sa maison, de la même manière qu’un noble ne se marie pas en dessous de son rang. […] Ce mariage serait incontestablement une déchéance. C’est ainsi que les maisons périclitent, et ainsi que les vieilles familles disparaissent. » (p. 229) Hélas, chacun sait que le progrès est une force que l’on n’arrête pas : ainsi, les femmes s’émancipent, les travailleurs se mobilisent contre les patrons et les anciennes manières sont oubliées.

« Pourquoi avons-nous cessé de nous soucier l’un de l’autre, nous qui étions du même sang ? » (p. 832) De fiançailles en mariage, de divorces en décès et au gré des naissances, la famille Effinger s’étend, se recompose et se délite : c’est elle, le personnage principal de ce roman-fleuve. Au fil des chapitres très courts qui galopent à travers les années, Gabriele Tergit dessine les vies de tous les enfants Effinger et des personnages qui les entourent. Ce pavé est impossible à lâcher, car même en sachant à quel sort sont promis les juifs allemands, on veut savoir ce qu’il adviendra des Effinger. « Je fais partie d’une race méprisée et suis citoyen de second rang en Allemagne. Mais j’ai un avantage qui se révélera un jour : par ma simple existence de juif, je suis témoin de la puissance de l’esprit et du refus d’employer la force. » (p. 81)

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3 réponses à Les Effinger, une saga berlinoise

  1. Lydia dit :

    Je ne connaissais pas. Je me le note !

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