Roman de Christian Bobin.
Elle est un peu triste, l’enfance d’Albe, entre deux parents inaccomplis. « Un peintre qui n’expose plus, un écrivain qui ne publie pas. » (p. 12) L’âge tendre est aussi marqué par de terribles pertes et des amitiés douloureuses. La petite est rêveuse, exaltée, impossible à contenir. « À dix ans, je crois en Dieu, je l’appelle par son nom, il vient aussitôt, il mange dans ma main. Il accourt sans délai, il me cueille, la fleur-Albe, il me respire toute et me jette où il veut, à son heure. » (p. 25) L’enfant grandit, l’adolescence se passe avec ses indicibles tumultes, et voilà Albe au seuil troublant de l’âge adulte. Elle y plonge, entière et avide, curieuse de tout goûter, presque impatiente d’être déjà lassée de tout. « Il y a une méchanceté dans le cœur, si enfoncée qu’on ne pourrait l’enlever sans mourir aussitôt. On appelle ça le désir. C’est un des noms pour dire le sombre, comme le clair. C’est un nom qui dit le sombre dans le clair. » (p. 35) Mais Albe n’a pas encore fait les rencontres les plus importantes de son existence, celles qui la réaliseront complètement.
Albe la blanche, quel merveilleux personnage de Christian Bobin, poète délicat, mais sauvage aussi ! L’air de rien, la plume innocente, il jette des phrases qui bouleversent, qui s’impriment dans les yeux et la mémoire. « La douleur comme l’amour sont de mauvais ouvriers. Ils ne savent jamais entrer dans l’âme jusqu’en son fond. Mais y a-t-il un fond ? » (p. 50) En moins de cent pages, l’auteur dresse un portrait complet et complexe, crédible et attachant. « Elles sont deux en une, à présent : l’insoucieuse et l’inconsolable. On ne pourra plus les séparer. » (p. 28) Albe est l’incarnation de la féminité, non pas par des artifices ou par des qualités faussement rattachées à son sexe : elle est la femme parce qu’elle est la vie jaillissante, l’énergie qui ne s’épuise pas.
Il faudrait que je lise cet auteur. Tout le monde m’en vante les mérites.
Ouiiiiii, il fauuuut !