
Nouvelle de Susan Glaspell.
Mini Foster, épouse Wright, est soupçonnée d’avoir assassiné son mari, John. Un froid matin de mars, le procureur du comté, le shérif et le premier témoin visitent les lieux du meurtre pour élucider l’affaire. Avec eux, deux femmes, l’épouse du shérif et celle du témoin, chargées de collecter quelques affaires pour la suspecte. « Il y a quelque chose de sournois à l’enfermer en ville et puis à venir ici retourner sa propre maison contre elle ! » (p. 38) Mais au-delà de la scène de crime, ce que ces femmes voient, c’est une vie domestique, triste et violente. Les hommes cherchent des indices de la culpabilité de l’épouse, les femmes voient la preuve du malheur conjugal de Mini Foster.
Le génie de ce texte écrit au début du 20e siècle, c’est de pointer la condescendance masculine envers les comportements féminins, tout en soulignant l’aveuglement des hommes face aux réalités que les femmes comprennent sans se parler. « Alors ça, c’est bien les femmes ! Arrêtée pour meurtre et elle s’inquiète pour ses conserves ! […] Oh, les femmes s’inquiètent toujours pour des broutilles. » (p. 29) Ici, le sens existe à différents niveaux : dit, chuchoté, implicite, tu et complice. Entre nouvelle et pièce de théâtre, les personnages entrent et sortent des pièces et chacun s’exprime avec une police d’écriture différente. Tous, sauf Mini Foster qui est la grande absente du texte, en dépit de sa présence dans le titre. Elle retrouve cependant une voix et une identité grâce aux deux autres femmes qui se glissent dans son quotidien et comblent les vides que les hommes n’envisagent pas.
Les éditions Tendances négatives proposent souvent des formats originaux pour magnifier les textes qu’elles publient. Avec Le papier peint jaune de Charlotte Perkins Gilman, il fallait se frayer un chemin dans les pages avec un coupe-papier. Ici, le format calepin rappelle les inspecteurs dans les polars, et c’est bien une enquête que le·a lecteur·ice est invité·e à mener avec les personnages. Dans la postface, les éditrices expliquent les choix de traduction, notamment les néologismes, pour coller au double sens des mots anglais et pour révéler toute la domination misogyne du discours. Ce petit ouvrage est sans aucun doute mon premier coup de cœur de 2025 !