Roman de Philippe Claudel.
Aux confins de nulle part, dans un hiver terne, un meurtre et des profanations religieuses entrechoquent les haines et les médiocrités. « On n’aime jamais tout à fait ce qui est différent de nous et vient d’ailleurs. » (p. 7) Au milieu des laideurs aux remugles interminables, des ambitions malsaines et des destins obscurs, des figures pures se détachent.
Pour une fois, je n’en dis pas plus des personnages ou des péripéties et je vous laisse plonger dans cet intense roman. Comme dans Le rapport de Brodeck et L’archipel du chien, l’auteur interroge le rapport à l’autre et la façon dont l’humanité se livre si facilement à des scènes de barbarie d’un autre temps et à des ravages criminels commis sous la dictée d’une autorité lointaine. « Si l’Enfer avait choisi la petite ville pour y planter son théâtre de feu, qui seraient en ce cas les damnés ? » (p. 259) L’espoir semble maigre, et pourtant sa flamme vacille sans s’éteindre.
Crépuscule est selon moi un des meilleurs romans de Philippe Claudel. Ce dernier y manie une fois encore une plume acerbe et délicieusement féroce pour peindre des portraits terriblement humains. « L’immobilité est gage de paix et la bêtise, bien souvent son alliée. Les sociétés, petites ou grandes, savent donner les rênes de leur administration aux crétins somptueux. » (p. 37) J’ai ri autant que frémi dans ces pages enténébrées.