Roman d’Emma-Jane Kirby.
L’opticien de Lampedusa fait tant bien que mal tourner son affaire sur la petite île italienne. Il s’inquiète pour l’avenir de ses fils, mais il profite aussi de sa soixantaine avec son épouse et leurs amis. Lors d’une sortie récréative sur leur petit bateau de plaisance, ils aperçoivent des centaines de personnes en train de se noyer : ils viennent d’Érythrée et leur navire clandestin a fait naufrage. Pendant des heures épuisantes, l’opticien et ses amis tentent de sauver un maximum de personnes, dépités que les autorités refusent de les aider. « Chacun sait que des lois strictes empêchent de secourir les immigrés illégaux. De nouveau, la colère le gagne. Est-il seulement possible que l’Italie place la loi au-dessus des vies humaines ? » (p. 58) Après ce sauvetage, l’opticien, son épouse et leurs amis traînent un terrible désarroi. Ces vies qu’ils ont sauvées, que vont-elles devenir ? Comment accepter que tant de migrants sont morts et meurent chaque jour en tentant la traversée de la Méditerranée vers l’Europe, illusoire terre promise ? « Je ne suis pas un fichu héros. J’ai échoué. Nous avons tous échoué. Nous, l’Italie, l’Europe. Nous avons tous échoué. » (p. 94)
Inspiré d’un fait divers et de l’action héroïque de l’opticien de Lampedusa, ce texte place le lecteur face à une réalité terrifiante. Comme l’opticien, nous sommes obligés de voir. Il est impossible de continuer à considérer les migrants comme de simples statistiques ou des faits divers « C’est dingue, pense-t-il, qu’ils débarquent ici alors que cette terre n’a rien leur offrir. » (p. 16) Ceux qui rejoignent l’Europe ne sont pas encore sauvés : long est le chemin du demandeur d’asile pour faire valoir ses droits. Profondément humain et bouleversant, le texte d’Emma-Jane Kirby est de ceux qui ébranlent de façon salutaire.