Roman d’Anyi Wang.
Danseurs au sein de la même troupe, dans une petite ville de Chine, un jeune homme et une jeune fille ne peuvent résister à l’attraction qui s’exerce entre eux. De leur toute jeune adolescence à leurs années adultes, ils se cherchent, s’attrapent, se repoussent, se détestent et se retrouvent.
Pas de prénom à poser sur ces deux personnages. La fille est épaisse et puissante comme un homme. Le garçon est petit comme un enfant, marqué de cicatrices. L’histoire se déroule dans une narration distanciée. On a l’impression de lire un rapport officiel, un document historique. Pas de dialogue, ou si peu, une dizaine de paroles. Les mots entre eux sont impuissants. Incapables de dire ce qui les anime, ils laissent leurs corps exprimer la nature de leurs émotions. Confusément conscients de commettre une faute aux yeux du régime et de la morale, sans volonté face aux tiraillement de la chair, ils se laissent submerger par le désir tout en se livrant aux horreurs du remords et de la honte. « Ils ignorent ce qu’on appelle l’amour, ils savent simplement qu’ils ont un besoin irrépressible l’un de l’autre. » (p.70)
L’amour entre la fille et le garçon est mêlé de violence. Entre attirance et répulsion, ils dansent une parade de séduction aux accents animaux, un pas de deux grotesque et laid. L’amour entre eux, ce sont des frottements, des échanges de coups, des odeurs fortes et piquantes de sueur, des combats, de la crasse et de la douleur. Contrairement à ce que présente la quatrième de couverture, je n’ai vu aucune sensualité dans la rencontre de leurs deux corps et dans la progression de leur relation. Ils s’épuisent dans des entraînements et des exercices qui ne les rendent pas meilleurs danseurs. Entravés par les défauts et les difformités de leurs corps, étranglés par leurs pulsions sexuelles, ils sont les relégués de la troupe de danse et essuient les moqueries et le mépris de leurs camarades.
L’histoire se passe en Chine, dans les années 1970, témoins de la Révolution culturelle. La troupe ne produit que des œuvres du répertoire officiel à la gloire du régime : Le détachement féminin rouge ou La fille aux cheveux blancs.
Voici un texte court que j’ai lu très vite, mais qui ne m’a pas émue. L’histoire d’amour et de désir ainsi traitée, avec tant de distance et d’indifférence, me semble gâchée. On lit les affolements qui animent le couple, on lit la haine et l’attirance, mais on ne la ressent pas. Tout se déroule derrière un voile, comme un jeu d’ombres chinoises. On comprend l’essentiel, mais le détail manque. Les figures s’animent mais elles ne sont pas incarnées. L’intérêt principal du texte réside dans la peinture d’un microcosme de la société chinoise sous Mao, dans la description de l’environnement précaire d’une troupe de danse à la solde d’un régime.
Je ne déconseille pas ce livre, mais je préviens que ceux qui s’attendent à trouver de l’émotion qu’ils seront déçus.