Roman de Jane Austen, repris par Seth-Grahame Smith. « Seth Grahame-Smith est un écrivain et scénariste américain qui ne s’est jamais remis de la lecture de Jane Austen. »
Quoi de neuf dans le chef-d’œuvre de Jane Austen? Les cinq filles Bennet ont toujours leur petit caractère, Mrs Bennet cherche toujours à les marier et les préjugés vont toujours bon train dans la petite société qu’elles fréquentent. Tout est pour le mieux, ou presque. Depuis quelques générations, Dieu a fermé les portes de l’Enfer, et les zombies sortent de terre pour se repaître de cervelles et contaminer les vivants. Les occupations des jeunes filles de bonne famille sont alors un peu différentes. Au lieu de s’exercer au point de croix ou au piano, elles passent des heures dans le dojo familial, où elles s’entraînent au combat et affutent leurs armes. Les sœurs Bennet sont le Pentagramme de la Mort et défendent la région des attaques des zombies.
« C’est une vérité universellement reconnue qu’un zombie ayant dévoré un certain nombre de cerveaux est nécessairement à la recherche d’autres cerveaux. » (p. 7) La première phrase du roman est habilement réécrite. Mais pour le reste du texte, il n’y a pas beaucoup à dire. La traduction des deux versions est l’œuvre du même homme, Laurent Bury. Seth Grahame-Smith a conservé le texte de Jane Austen et s’est contenté d’insérer de temps en temps des évènements horrifiques.
Mais l’horreur est traitée sur le mode de la dérision. Les cadavres ambulants en décomposition sont ridicules, les massacres sont hilarants, les combats sont improbables. On sent tout le passé de scénariste de l’auteur. Il y a du Tarantino là-dessous, des références aux mauvais films de zombies ou aux films de sabre asiatiques.
Le roman de Jane Austen est réputé pour la représentation d’un univers extrêmement féminin et féminisé, où tout tourne autour de la jeune fille à marier. La réécriture de Seth Grahame-Smith injecte un peu de testostérone dans ce monde saturé d’oestrogène. Dans les salons, on ne joue pas au whist, mais à Caveau et Cercueil, un jeu de cartes assez macabre. La dentelle et les rubans ont fait place aux fusils Brown Bess et sabres Katana. Les gouvernantes sont remplacées par des maîtres du temple Shaolin et des guerriers ninjas. Le salon de lecture où les femmes se retrouvent est devenu un dojo où les filles s’exercent à la position de la Grue, de la Blanchisseuse enivrée, des Griffes du Léopard ou du Paysan balayé par le vent. Une dispute entre femmes où les mots faisaient mouche tourne au combat au sabre où le sang coule. Les priorités ont changé: « L’unique objectif de Mr Bennet était de maintenir ses filles en vie. Celui de Mrs Bennet était de les marier. » (p. 9) Mr Bennet gagne un peu de crédibilité dans cette version. Il n’est plus ce bonhomme reclus dans sa bibliothèque. Il a à cœur de préserver sa famille. Il faut dire que le principal sujet de conversation a changé, et qu’il peut enfin se rendre utile!
Étrange rencontre que celle de l’univers anglais et du monde asiatique. Des références typiquement britanniques sont renversées. À l’heure du thé, on boit plutôt du jus de bambou noir. Les jardins anglais deviennent des jardins zen avec des bassins où nagent des carpes koï. La réécriture est amusante, mais après quelques pages, je suis vite revenue au texte original.
Les premières de couverture de deux livres ont été habilement travaillées. La réécriture présente les mêmes portraits que ceux exposés sur l’original. Mais ils ont subi des avaries. On croirait voir toute la famille de Dorian Gray après des années de vicissitude. La tapisserie rose est ânée, dégradée par l’humidité et la poussière. La lecture est amusante, mais pas vraiment édifiante. L’œuvre de Jane Austen n’y gagne rien, si ce n’est davantage d’éclat quand on la compare à sa cadette.