Wellington, le grand caniche de Mme Shears, est retrouvé mort. Pour Christopher Boone, quinze ans, surdoué et autiste, il s’agit d’un meurtre. Décidé à l’élucider, il entreprend une enquête contre l’avis de son père qui n’apprécie pas de le voir mettre son nez dans les affaires des autres. Mais Christopher est têtu et il commence à écrire un texte aux allures de roman policier. « Ce ne sera pas un livre drôle. » (p. 22) Christopher promet de ne dire que la vérité, lui qui hait le mensonge et tolère à peine les approximations. « C’est pour ça que tout ce que j’ai écrit est vrai. » (p. 42) À mesure que son enquête progresse, Christopher découvre un autre mystère qui explique un peu la triste fin de Wellington. Et il embarque seul pour une découverte du monde, ce dernier étant l’espace au-delà du bout de la rue et de l’école.
Mark Haddon propose un roman touchant sur l’autisme et la différence en général. Christopher s’adresse au lecteur, en toute innocence et franchise, et il ne cache rien de ses peurs et de ses paniques. « Il faut que je ferme les yeux, que je mette les mains sur mes oreilles et que je grogne, et c’est comme si j’appuyais sur les touches CTRL + ALT + SUPPR, que je fermais les logiciels, que j’éteignais l’ordinateur et que je le réinitialisais, et après je peux me rappeler ce que je fais et où je dois aller. » (p. 231) Quand le cerveau du jeune garçon s’emballe, c’est toute une machine qui s’affole et l’apaisement ne vient que grâce au refuge qu’offrent les mathématiques.
Le roman s’agrémente de dessins techniques, de croquis scientifiques, de formules et de problèmes mathématiques. Les chapitres sont numérotés exclusivement avec des nombres premiers. Christopher mène des raisonnements clairs et décrit tout en mots. Le bizarre incident du chien pendant la nuit est un roman très ludique et c’est un plaisir de s’essayer aux exercices mathématiques que le héros résout si facilement, tel un Sherlock Holmes moderne. Christophe décortique à merveille Le chien des Baskerville, que je n’ai donc plus besoin de lire !
Le roman de Mark Haddon est-il un roman policier ? Oui mais pas seulement. C’est également une douloureuse fable familiale et un conte initiatique. Le héros, face au bouleversement de repères déjà fragiles, trouve en lui des ressources inconnues et se reconstruit un univers moins enchanté.
J’ai dévoré ce texte et je le recommande à tous type de lecteur. Touchant et drôle, ce roman a tout du divertissement grand public, mais il est fin et avisé. Ne vous laissez pas tromper par le titre et la couverture, ce n’est pas qu’un roman pour la jeunesse. J’aurais pu déflorer le sujet principal, mais je refuse de gâcher le plaisir de la découverte. Mark Haddon ne déroule pas une écriture magistrale, ni ne propose une plume extraordinaire, mais il présente avec simplicité et tendresse un sujet difficile.