Année d’élections présidentielles : le candidat du parti d’extrême droite, Jacques-André De Beer, est au second tour. Le pays s’émeut, proteste, manifeste. « On dit entre-deux tours comme on dirait entre-deux-guerres »
Ariane et et Nicolas sont étudiants. Avant le premier tour, ils ont assisté aux meetings de tous les partis. Ou presque. Pas à celui du candidat outsider qui fait désormais si peur. « De l’automne au printemps, ils se sont approchés de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel politique, du rose au bleu en passant par le vert et le rouge et le blanc. Manquait à leur palette cette teinte tellement extrême qu’elle en devient brune, presque noire – car là où elle jaillit il n’y a plus de couleurs, plus de contraste, juste une saturation maximale de l’obscurité. » Alors que le second tour se profile comme un duel au sommet, ils veulent comprendre. C’est à Marseille que le terrible candidat donne son unique meeting d’entre-deux tours. Les deux amis s’y rendent. Incompréhension. Peur. Malaise. « À croire qu’ils vont véritablement assister à un spectacle. Mais n’en sera-ce pas un ? »
Ce court roman fait clairement référence aux élections présidentielles de 2002. Cette année-là, je n’avais pas encore le droit de vote et ma plus grande préoccupation était d’obtenir le bac avec LA mention. En cours d’éducation civique, le professeur nous avait fait étudier et comparer les programmes de tous les candidats. C’était intéressant, mais je voyais ça de loin. Et j’avais à peine lu le programme du Front national, tellement convaincue que son candidat ne pouvait pas passer. Mon erreur a été celle de nombreux Français. C’est cela que Sophie Adriansen relate : comment l’insouciance, via l’abstentionnisme, peut faire le lit des extrêmes et ouvrir la voie aux programmes dangereux et aux propositions qui bafouent les Droits de l’Homme.
La plume de Sophie Adriansen est particulièrement dynamique : elle illustre avec brio l’effervescence inquiète qui a animé la France dans cet entre-deux tours décisif. Alors que la candidate du Front national a obtenu un score record la semaine dernière, il est bon de lire Un meeting et de se rappeler que le vote, pratique hautement démocratique, peut installer en toute légalité des systèmes antidémocratiques. La conscience et l’action politique ne sont jamais le seul fait des autres. Chacun a dans sa main le pouvoir de promouvoir un système plus juste. L’abstentionnisme est un fléau. Allez voter !