Roman de Jean-Louis Marteil. Suite de La chair de la salamandre.
Nous sommes à Cahors, comme dans le premier tome des aventures de dame Braïda. Le cadavre d’Enguerrand de Cessac, usurier de son état, a été déterré et un poignard a été planté dans son cœur. Assassiner un mort, voilà qui ne manque pas d’interroger les forces de l’ordre et les curieux. Et Braïda, l’intrépide héroïne du tome précédent, n’est pas en reste quand il s’agit de fourrer son joli nez dans ce qui ne la concerne pas. « Il fallait qu’elle en sache plus, cette histoire idiote de mort assassiné défiait son intelligence, et par tous les saints, ce ne serait pas en vain ! » Et pourtant, ce n’est pas comme si elle n’avait que ça à faire : depuis l’aventure précédente, elle a épousé Domenc et ils ont une fille qui tient apparemment de sa mère. La toute jeune Ava a une façon très nette de faire savoir ce qu’elle veut et surtout ce qu’elle ne veut pas. De plus, Braïda a repris les affaires de son père, feu Bertrand de Vers, et elle est déterminée à prouver qu’elle est aussi capable qu’un homme. Bref, tout ça pour dire qu’elle n’a pas vraiment le temps d’élucider les mystères de la cité cahorsine.
Depuis la découverte du cadavre, Aimard de Roquebrune et ses 5 coupe-jarrets d’acolytes ne font pas les fiers : le couteau de l’un d’entre eux a servi au « meurtre », mais a été perdu lors d’une bagarre au Mouton-Embroché, taverne de piètre réputation. Avec cette arme dans la nature, Aimard, Plate-couille, Godet-fendu, La Feuille et Les-Jumeaux (qui sont deux personnes sous un même nom… Ne cherchez pas à comprendre, lisez plutôt !) n’osent pas vraiment se présenter devant l’évêque de Cahors, Guillaume de Cardaillac. Le prélat connaît le poignard et on sent confusément qu’il existe un secret entre lui et le chef des brigands. Si cette alliance paraît bien inamicale, elle semble plutôt lucrative. Quand La Feuille est assassiné et que ses compères sont menacés par une ombre, la terreur s’installe dans Cahors.
Tout semble relier au projet du pont sur l’Olt. « Quant à ce maudit pont, […], je crains qu’il ne fasse un jour ou l’autre couler le sang, et avant même qu’en soit posée une pierre ! » Est-ce pour cela qu’on a déterré Enguerrand de Cessac ? Mord-Bœuf, le capitaine du guet, et son sergent Pasturat se grattent la tête : ils sont certes chargés de faire régler l’ordre dans la cité, mais ils n’ont pas pris beaucoup de matière grise depuis le premier volume. Ils brassent suffisamment d’air pour trouver de nombreux suspects. Il y a Maître Jacob, le médecin juif, mais aussi Dame Bermonde, la veuve du cadavre supplicié. Il y a également Arsende, la servante de la maison, et ses frères. Alors, qui a déterré le corps ? Et surtout, pourquoi ?
C’est toujours avec plaisir que j’ouvre un roman de Jean-Louis Marteil. En fait, les plaisirs sont multiples ! Tout d’abord, je me régale avec la langue colorée qu’il manipule, entre archaïsmes délicieux qui chantent comme un argot et argot tout court. Je suis particulièrement friande de ses notes de bas de page qui prennent le lecteur pour ce qu’il est, quoi qu’il puisse être ! Précision : il y a les notes de l’éditeur et les notes de l’auteur. Sachant qu’éditeur et auteur sont une seule et même personne, je suis tentée de crier à la schizophrénie, mais je tiens un modeste blog littéraire, pas un forum médical. Que le bonhomme se débrouille avec ses personnalités tant qu’il continue à me régaler avec ses romans.
Ce que j’aime aussi, c’est l’humour féroce que l’auteur manie à l’encontre des personnages qu’il n’aime pas et la tendresse bourrue dont il fait preuve pour ses héros. Oui, l’auteur est de parti pris, et alors ? Ne me dites pas que vous n’appréciez pas les sobriquets cruellement évocateurs dont il affuble certains de ses héros ! Et quand on sait que la Truie-Fouilleuse a été inspirée d’une personne réelle, je me demande un peu quelle ménagerie fréquente notre cher auteur, mais encore une fois, je ne tiens pas un forum animalier… Quand ce ne sont pas les noms, ce sont les actes : prenez l’évêque et osez dire que l’auteur n’a pas un fond d’anticléricalisme (mais on l’aime beaucoup quand même !). « Guillaume de Cardaillac se préparait, dans ses appartements, à s’en aller dire une messe en la cathédrale. Ce n’était point que cela l’amusât encore beaucoup, mais il était évêque, tout de même, et il fallait bien le montrer de temps en temps. » Pour contrebalancer tout ça, il y a Géraud et Pisse-Dru, des colosses garde-corps qui, s’ils ne brillent pas par leur intelligence, font preuve de cœur et de loyauté. Oui, l’auteur aime s’entourer de gens bien. Et puisque j’ai reçu ce livre bien avant sa parution, je me dis que je suis du bon côté.
Vous aimez l’histoire et les polars, mais vous ne pouvez pas vous passer d’humour et de jolies pépés intrépides ? Alors, L’assassinat du mort est pour vous. Ne me remerciez pas, remerciez Jean-Louis Marteil pour son imagination un peu barrée et son sens du bon mot ! Vous n’avez pas lu le premier tome, La chair de la salamandre ? Vous pouvez vous le procurer sur le site des éditions de ou dans toutes les bonnes librairies.