Bande dessinée de Frédéric Bertocchini (scénario), Sandro, Marko et Sayago. D’après le conte de Hans Christian Andersen.
Nous sommes le 31 décembre 1851 à Copenhague. La neige tombe en abondance et le froid des rues contraste durement avec la chaleur des intérieurs bourgeois. En ce jour de réveillon, la très jeune Kirsten tente de gagner quelques sous. « Malgré le froid saisissant, mon père m’avait envoyée dans la rue pour vendre quelques boîtes d’allumettes qu’on lui avait gracieusement données. » (p. 2) Mais personne ne s’arrête auprès de la misérable enfant qui tend, en vain, ses maigres allumettes. La ville entière se presse pour achever les derniers préparatifs de la soirée de réjouissances qui s’annonce. Mais de réjouissances, pour Kirsten, il n’y aura que des coups si elle rentre au logis sans avoir obtenu quelques pièces.
Pendant toute une journée, on suit la fillette dans les rues enneigées. En dépit de l’indifférence, voire de la cruauté des passants, elle garde une candeur joyeuse et elle s’autoproclame princesse des allumettes pour faire sourire un plus petit qu’elle. Mais le jour s’éteint et les rues se vident. Avec son pauvre chargement invendu, Kirsten préfère le recoin d’un escalier à la menace d’une correction. Dans l’obscurité glacée, elle gratte une allumette pour lutter contre le froid. La faible lueur soufrée lui ouvre les portes d’un monde merveilleux. Pour ne pas le quitter, elle gratte toutes les allumettes et, au plus froid de la nuit, elle retrouve sa chère grand-mère. Hélas, la flamme éphémère qui se reflète dans les grands yeux bleus verts de l’enfant n’éclaire déjà plus qu’un regard vide.
Cette adaptation très libre du conte d’Andersen reste, dans l’esprit, très fidèle à l’histoire originale, tout en étant moins macabre. Kirsten est telle que je me suis toujours représenté la petite fille aux allumettes, gracieuse en sa misère. Les dessinateurs ont rendu avec beaucoup de talent le froid qui envahit les rues et la bêtise qui règne sur les cœurs. L’image est belle et mélancolique : elle m’a replongée dans ce conte qui a toujours été un de mes préférés.
De Frédéric Bertocchini, outre son excellent Jim Morrison, poète du chaos, je vous conseille Le horla, bande dessinée adaptée de la nouvelle de Maupassant.