Roman de François-Guillaume Lorrain.
Elle, c’est Ingrid Bergman, la belle Suédoise qui illumina Casablanca. Elle est mariée à Petter Lindström et le trompe avec Robert Capa. Lui, c’est Roberto Rossellini, l’Italien de génie que tout le monde acclame depuis Rome, ville ouverte et Païsa. Lui aussi est marié et trompe sa femme avec Anna Magnani, tyrannique actrice italienne qui le brutalise.
« Une actrice, a fortiori de son rang, ne quémandait pas un rôle. Une vague allusion, à la rigueur, lors d’un cocktail, une boutade, un clin d’œil provocateur, jamais une lettre. » (p. 27) C’est pourtant ce que fait Ingrid Bergman. En une lettre très équivoque, elle se jette à la tête du réalisateur qu’elle n’a jamais rencontré. Elle en est persuadée, lui seul saura la comprendre et la libérer du carcan hollywoodien. Rossellini est immédiatement séduit par cette blonde Suédoise à l’air angélique. « Quelques lignes, une photo lui avaient suffi pour deviner ce qu’il fallait à Bergman. Non pas un film, mais une purge, une cure d’austérité, un vœu de pauvreté, une guerre de libération et un couvent où se faire fouetter pour expier ses péchés de star hollywoodienne. » (p. 67) Pour elle, en 1949, Rossellini invente Stromboli, film financé par Howard Hughes et dont le tournage a tout d’une apocalypse. « Avec moi, ce n’est pas du cinéma, on joue sa peau. » (p. 133)
Mais Anna Magnani ne l’entend pas de cette oreille. Jalouse de la blonde actrice qui lui a ravi son réalisateur, elle veut rendre coup pour coup. Sur une île italienne voisine de celle où se tourne Stromboli, elle joue dans Vulcano, film dont le scénario est étonnamment proche de celui de Rossellini. D’une île à l’autre, la guerre de volcans est déclarée. C’est à qui achèvera le film en premier et à qui sera, sans se renier, la plus sublime au milieu des fumerolles.
Dans ce roman aux allures de documentaire de tournage, François-Guillaume Lorrain ressuscite le cinéma d’après-guerre, ce septième art glamour qui faisait tant rêver. Derrière les caméras, le drame amoureux qui se noue est digne des plus grandes passions cinématographiques. Attention, ce livre n’est pas pour les tièdes ou les timorés : ici, la passion éclate comme un volcan et gare à celui qui joue avec le feu. L’auteur dresse un superbe portrait de l’industrie cinématographique. Si des noms comme Hitchcock, Fellini ou Metro Goldwyn Mayer traversent la page, c’est pour mieux rappeler que le cinéma est avant tout une économie et que l’art de la bobine est soumis, comme tant d’autres, aux mécènes et aux financeurs.
L’année des volcans revient avec brio sur le scandale provoqué par la tumultueuse liaison entre Ingrid Bergman et Roberto Rossellini et offre, le temps de très beaux chapitres, une parenthèse en noir et blanc digne des meilleures salles obscures.
Maintenant, il ne me reste plus qu’à voir ces films !