De son père, Arvin garde le souvenir d’un homme rendu fou de chagrin par la maladie incurable de son épouse. Il ne peut pas non plus oublier les interminables heures passées sous le tronc de prières, macabre totem élevé à la gloire d’un Dieu sourd et absent. « Aussi loin qu’il pût se souvenir, son père lui semblait avoir passé sa vie à combattre le Diable, tout le temps. » (p. 10) À Knockemstiff, la dévotion est fanatique et la monstruosité à tous les visages. Elle a celui de cet avocat cocu et humilié. Elle a aussi ceux de deux prédicateurs assassins et en cavale. Elle a surtout ceux de ces deux automobilistes qui nourrissent une fascination perverse pour les autostoppeurs. Dans cette portion d’Amérique, le diable est partout, tout le temps.
Ce premier roman aurait pu être écrit à quatre mains par Quentin Tarantino et David Lynch. Macabre, morbide, sanguinolent, blasphématoire, ce texte combine des mythes américains pour en faire des cauchemars éveillés. C’est avec fascination que le lecteur regarde les membres de cette humanité dévoyée cohabiter et s’entrechoquer. Plus les pages se tournent, plus il semble évident qu’il est vain de lutter contre l’horreur et qu’il faut laisser la sauvagerie prendre le dessus. Le diable tout le temps ne peut pas laisser indifférent : soit il révulse son lecteur, soit il le charme par sa beauté perverse. Je suis du deuxième type. Mais ce genre de littérature est à consommer avec modération.