Trisha subit une énième dispute entre son frère et sa mère. Cette fois, la dispute a éclaté pendant la sortie hebdomadaire. Pour s’éloigner des cris et soulager un besoin pressé, Trisha quitte le sentier et s’éloigne dans les bois. Quelques pas du mauvais côté et la voilà perdue, seule, à neuf ans, dans une forêt qu’elle ne connaît, avec un maigre casse-croûte et un walkman aux piles déjà vacillantes. Les heures deviennent des jours et Trisha désespère de retrouver le monde. « Si elle avait pleuré, elle ne serait plus arrivée à se persuader qu’elle n’avait pas peur. Si elle avait pleuré, il aurait pu se passer n’importe quoi. » (p. 35) Casquette des Red Sox sur le crâne, sac sur le dos et écouteurs vissés aux oreilles, Trisha n’a que la radio pour se raccrocher à l’espoir, en suivant les matchs de Tom Gordon, son joueur de baseball favori. « Si Tom Gordon leur sauvait la mise, il lui sauverait la mise aussi. » (p. 91) Mais tout cela est loin de suffire quand il s’agit d’éloigner la faim, la soif, les moustiques, la nuit et la Chose, cette créature qui rôde autour de Trisha sans se décider à attaquer. « Les forêts sont pleines de toutes sortes de choses qu’on déteste, de choses dont on a peur, qui vous dégoûtent, qui font tout ce qu’elles peuvent pour vous remplir d’une panique atroce qui vous rend débile. » (p. 34) Qu’adviendra-t-il de Trisha dans ces bois inconnus ?
Stephen King mérite décidément son titre de maître de l’horreur. En partant d’une histoire d’une triste banalité – une petite fille perdue dans les bois –, il crée une atmosphère angoissante en tirant sur des ficelles très simples. Les seuls monstres de l’histoire sortent de l’imagination effrayée de l’enfant et la terreur va croissant avec la faim et la fatigue. Ramenée au niveau de ce qu’une gamine de neuf ans peut endurer, cette expérience déjà effrayante devient franchement traumatisante. « Je ne suis qu’une petite fille, il ne faut pas m’en demander trop. » (p. 232) Et le lecteur qui suit Trisha pas à pas ne peut pas ne pas sursauter à chaque branche qui craque. Comme dans Cujo où un gentil toutou devient un monstre sanguinaire, Stephen King retourne la réalité pour en faire le décor d’un conte macabre. La simplicité du procédé ne doit en aucune façon faire penser que l’histoire est simpliste : je voudrais vous y voir, vous, perdu et démuni dans une forêt à des dizaines de kilomètres du moindre être humain…