Recueil de textes de Joris-Karl Huysmans.
La collection des Carnets des éditions de l’Herne est une merveille. Elle offre ici un petit ouvrage d’une grande valeur et d’une grande beauté : cette encre bleue ressort magnifiquement sur la page couleur crème.
Joris-Karl Huysmans est un esthète qui chérit sa ville tout en la craignant : comme devant une maîtresse trop belle pour laquelle il redouterait les effets du temps, il contemple Paris, ses passés et ses changements, inquiet de finir par ne plus reconnaître celle qu’il aime passionnément. « Pour les gens déjà vieux qui vécurent dans un monde d’hommes d’esprit, polis et gourmets, s’occupant d’art et de livres, le Paris contemporain apparaît hideux. » (p. 17)
En quelques phrases, ce génie au style unique déploie une vitupération délicate contre la modernité qui défigure les ruelles médiévales de Paris. Huysmans est-il contre le progrès incarné par Haussmman ? Huysmans VS Haussmann, combat de titans ! Et combat de deux visionnaires aux rêves opposés. Alors, oui, Huysmans vitupère, mais toujours avec un flegme de bon ton : il ne s’agirait pas de déranger son veston ou de froisser sa cravate. On reste élégant en toutes circonstances quand on s’appelle Joris-Karl Huysmans.
À lire Huysmans, la modernité ne fait pas que changer les façades parisiennes, elle avilit également l’âme des Parisiens qui ne pensent plus qu’à acheter, les grands magasins ayant hélas remplacé les églises en termes de temples où communient les masses. On comprend alors que c’est le converti qui s’exprime : exit la décadence et le satanisme, Huysmans prêche ici les déconvertis.
Mais qu’on ne s’y trompe pas, l’auteur ne jette pas la pierre, conscient d’avoir péché tout autant que les autres. Non, quand il parle du peuple parisien, il le fait avec une tendresse goguenarde et une bienveillance sévère. Allez, on le sait qu’il aime les grisettes qui se recoiffent avant de quitter l’atelier et qu’il apprécie la compagnie des joyeux soiffards qui s’attablent dans les goguettes.
Une promenade dans les parcs et devant les étals, un regard sur un lampadaire et la balade est déjà terminée. Mais qu’elle fut belle et plaisante en présence de cet auguste monsieur qu’est Joris-Karl Huysmans.