Jim Vann revient d’Alaska pour passer du temps dans sa famille. Dans son sac, un 44 Magnum et une boîte de munitions. « Il devrait se montrer moins attaché au revolver, y penser moins. » (p. 10) Depuis des années, Jim est gravement dépressif et suicidaire. En finir avec l’existence est devenu son obsession. Il n’entend pas les encouragements de son frère et de ses parents et même l’amour fou qu’il éprouve pour ses enfants, David et Cheryl, ne suffit pas à le convaincre de tenir le coup. « Le plus important à retenir, c’est que tu n’as pas les idées en place, en ce moment. Rien de ce que tu penses actuellement n’est la vérité. Tu souffres et ça déforme tout. Tu es comme une boussole à côté d’un aimant. Alors ne fais confiance à rien de tout ça. Fais simplement confiance à ta famille. On va t’aider à passer le cap. » (p. 27) Mais la pulsion de mort subsiste, résiste jusqu’à l’obsession, et elle contamine chaque geste du quotidien. Il n’y a que Jeannette, son ex-femme – sa deuxième ex-femme – qui pourrait l’aider. Du moins le croit-il, sans tenir compte des avertissements de ses proches. « Il ne pense qu’à Jeannette. Chaque fois qu’un instant n’est pas rempli par quelque chose, elle vient l’inonder, impossible d’arrêter. La douleur du besoin. » (p. 138)
Ceux qui ont lu Dernier jour sur terre savent que James Vann, le père de l’auteur, a mis fin à ses jours. Dans cette réflexion, David Vann racontait qu’il avait hérité des armes de son père et s’interrogeait sur la différence entre sa vie et celle d’un étudiant responsable d’une tuerie dans son école. Un poisson sur la Lune n’est pas une biographie ni un récit des derniers jours de James Vann, c’est bien un roman. Roman familial, roman filial. Évidemment, l’auteur a collecté des témoignages et a recoupé des informations pour écrire son texte, mais il faut prendre ce dernier comme une fiction. Car qui peut prétendre savoir ce qui tournait vraiment dans la tête de James Vann ?
Ce roman n’est certainement pas celui que je recommanderais à qui voudrait commencer à lire David Vann. S’il contient tout ce qui fait la saveur et la qualité de son œuvre, je l’ai trouvé moins fort, sans doute parce que trop personnel. Cependant, je conseille vivement la lecture des textes de David Vann : ils décrivent la nature humaine avec autant de réalisme que la nature tout court.
Quelques extraits pour finir :
« Aucun néant ne peut être assez vide pour effacer tout ce que nous avons aimé ou tout ce qui nous manque. » (p. 91)
« Ce que Jim voudrait, c’est trouver une utilité à son désespoir. Pourquoi son état merdique actuel ne pourrait-il pas s’avérer idéal pour autre chose ? » (p. 97)
« Ce qui importe désormais, c’est que Jim trouve le moyen de n’être que suicidaire, et pas tueur de masse. C’est le but ultime auquel il peut prétendre, le fruit d’une vie de dur labeur. Félicitations. » (p. 166)