S’inscrivant dans une lignée philosophique qui remonte à l’Antiquité, l’auteur définit 114 concepts-clés et les organise en complémentarité et en opposition dans des binômes. Chaque chapitre s’achève sur une citation qui illustre les deux concepts présentés. Michel Tournier rend ainsi hommage à des auteurs classiques et des théoriciens et fait sienne la sagesse populaire des proverbes.
Il met en relation et en confrontation des sujets d’abord très concrets : l’amour vs l’amitié, le bœuf vs le cheval, le chat vs le chien. « Le chat semble mettre un point d’honneur à ne servir à rien, ce qui ne l’empêche pas de revendiquer au foyer une place meilleure que celle du chien. Il est un ornement, un luxe. » (p. 28) Chacune des démonstrations donne à Michel Tournier l’occasion de considérations politiques plus ou moins approfondies, à savoir ce qui s’apparente à la gauche et ce qui relève plutôt de la droite. Les oppositions qu’il propose ne sont jamais artificielles ou forcées, mais véritablement érudites et intelligentes.
Sans prétendre cataloguer le monde ni le réduire à 114 idées, Michel Tournier offre avec le talent qui le caractérise des pistes de réflexion, des amorces de compréhension. Les sujets sont de plus en plus abstraits et l’auteur n’hésite pas à s’aventurer sur le terrain de la science, de la technique, de philosophie et de la théologie. Évidemment, ce texte ne se lit pas comme un roman. Je le vois un peu comme un ouvrage à entrées multiples : explorer un concept entraîne vers un autre, puis encore un autre, et ainsi se construit naturellement – sans prétendre que cela est simple – une pensée plus complexe et plus intelligente. Je me sens toujours un peu moins idiote après avoir lu un texte de Michel Tournier.