Essai de Sandrine Goeyvaerts.
« Les mots du vin, véhiculés de bouche en bouche sans être vraiment remis en question depuis presque toujours, reflètent une pensée dominante, celle de l’homme blanc, bourgeois, valide et hétérosexuel. » (p. 6) Mesdames, si chez vous, c’est toujours Papa qui ouvre les bouteilles ou votre compagnon qui reçoit la carte des vins au restaurant, vous comprendrez sans mal la démonstration de l’autrice. Le mondovino et le langage qu’il utilise sont sexistes, racistes, classistes, misogynes et excluants. Trop de mots compliqués ? Mais non, Sandrine Goeyvaerts vous explique tout. Asseyez-vous, prenez un verre, ça va se passer en douceur. « Le monde du vin est hétérosexuel par défaut, comme l’ensemble de la société. Le lesbianisme est fétichisé, l’homosexualité masculine est moquée ou attaquée puisqu’elle ne semble pas se fondre dans le monde de la ‘virilité’ ». (p. 40) J’en vois déjà certains pousser des cris d’orfraie : MÉONPEUPLURIENDIR !!! Si ton expression prévoit de ne rien remettre en question et de rester sur des acquis bien mal acquis, en effet, vaut mieux te taire, Jean-Mi !
Venons-en au vocabulaire. Un vin qui a de la cuisse, c’est quoi ? Ou qui est velouté ? Qui a un goût de fruits exotiques ? Et c’est quoi un fruit exotique ? Et par-dessus tout, c’est quoi un sacré nom de nom de vin féminin ou de vin masculin ? Pourquoi les blancs sucrés ou les vins cuits seraient-ils l’apanage des femmes, alors que les whiskys et autres rouges tanniques (ton père) devraient-ils être réservés à des bonhommes ? C’est quoi ces différences fondées sur rien de sérieux ? « On devrait peut-être cesser tout court de faire intervenir les organes reproductifs dans les commentaires de dégustation ? Tant qu’on en est là, cassons le mythe : le vin féminin n’est pas macéré aux ovaires, et le vin masculin n’est pas non plus infusé à l’essence de bite. » (p. 41)
Les blagues misandres de l’autrice, en live ou sur le papier, c’est toujours du caviar. Pour avoir eu le plaisir d’assister à plusieurs ateliers de dégustation de vin que Sandrine Goeyvaerts a donnés en ligne pendant le confinement (si si, c’est possible), je peux confirmer que mettre sa langue dans sa poche, ce n’est pas le genre de la dame ! Mais mettre le doigt où ça fait un peu mal à l’égo de ces messieurs et où ça redonne de la confiance aux femmes, ça oui, elle sait y faire ! Ce que prône l’autrice, c’est d’en finir avec les discriminations et de réinventer le langage du vin pour qu’il soit accessible à tous. « Tant qu’à penser inclusif, autant essayer de ne laisser personne de côté. Histoire qu’on puisse tous joyeusement picoler. » (p. 59) Et le glossaire final donne de solides bases techniques sans faire de vous un.e imbuvable pédant.e qui secoue trop fort son verre de pinard sous la lumière.
C’est sans surprise que le livre de Sandrine Goeyvaerts rejoint mon étagère de littérature féministe ! Pas étonnant… Les premières lignes du bouquin m’ont férocement fait éclater de rire ! « Avertissement : ce livre est en écriture inclusive. À ce propos, je trouve tout de même assez audacieux de la considérer comme un péril mortel, alors que les hommes se sentent obligés d’appeler un chignon ‘man bun’ » (p. 5)