Ludovic a quitté la ferme familiale pour Paris où il fait du recouvrement de dettes. Aurore est styliste et rencontre des difficultés avec son entreprise et son associé. Ils vivent dans le même immeuble et se croisent parfois dans la cour, sans vraiment se parler. « À Paris, on visite plus facilement l’autre bout du monde que l’escalier d’en face. » (p. 127) Quand Ludovic débarrasse l’immeuble des corbeaux qui terrifiaient Aurore, une relation trouble et enfiévrée se noue entre eux. Face à cette attraction irrépressible, Aurore hésite entre tout lâcher et fuir, elle qui a peur de tout, tout le temps. Et Ludovic, en dépit de sa carrure de géant, ne veut pas s’imposer dans la vie de sa voisine mariée et mère de famille. Et pourtant, leur liaison affolante, interdite et exaltante se déploie à l’approche de Noël. Entre la frêle Aurore et le colosse Ludovic, amants maudits, l’amour explose dans un quotidien terne et tourmenté.
Ce que je retiens de ce roman, outre la solitude des grandes villes, la cruelle absence de la nature et les injustices sociales, c’est la figure de Ludovic. Cette force de la nature cache un cœur très sensible et une fragilité qui semble incongrue. « L’inconvénient de paraître aussi solide, c’est que les autres ne s’étaient jamais inquiétés pour lui, on l’avait toujours cru fort. » (p. 275) Réprimant sans cesse sa force et ses emportements, Ludovic est à l’étroit dans la capitale. Ce serait pourtant si facile de bousculer et d’obtenir par la brutalité un peu plus de place ou de considération. « Le seul avantage qu’il y a à dépasser les autres d’une tête et de les survoler d’un quintal, c’est qu’ils ne lui font jamais de remarques, même quand il les mérite. Le danger, ce serait que ça devienne comme un passe-droit, de commencer à tout se permettre. » (p. 39) Mais Ludovic est trop conscient des conséquences pour se laisser aller. Quand Aurore force la porte de son existence, en dépit de son petit gabarit, elle bouleverse le monde étroit de son voisin. Elle s’accroche à lui autant qu’elle le porte. Conclusion très émouvante de ce roman très réussi : accepter l’aide de son voisin, c’est lui faire un grand cadeau. On ne donne jamais autant que quand on accepte de recevoir.