Pendant l’été précédant la fin du protectorat anglais en Israël, Profi, un gamin rêve de vengeance et de gloire guerrière pour son pays. « Quand le libre état hébreu verrait enfin le jour, nul criminel au monde n’oserait plus jamais tuer ou humilier les Juifs. Dans le cas contraire, il se repentirait de ses actes car, un jour, nous aurions le bras très long. » (p. 37 & 38) Avec ses amis, il élabore des plans pour chasser l’occupant anglais et repousser l’assaillant arabe. Quand il rencontre le sergent anglais Dunlop, ses certitudes sont ébranlées. Se pourrait-il que l’ennemi soit bienveillant ? « Je suis un Anglais qui donnerait tous les biens de sa maison pour la langue des prophètes et dont le cœur est l’esclave du peuple élu. » (p. 62) Le gamin enseigne l’hébreu à l’anglais qui, en échange, l’aide à se perfectionner dans la langue de Shakespeare. Mais fréquenter le sergent, est-ce une trahison envers le peuple hébreu et la Résistance ?
Ce récit est-il autobiographique ? Beaucoup de choses le laissent entendre, mais je préfère en rester au niveau fictionnel. Le narrateur raconte un été de son enfance, 45 ans après les faits. Avec tendresse et indulgence envers le gamin qu’il a été, il jette un regard vif sur les grands idéaux qu’il professait et explore certaines hontes jamais oubliées, comme sa passion juvénile pour la grande sœur d’un de ses copains. Il se rappelle la peur qui avait étreint sa maison quand son père avait caché un énigmatique paquet dans la bibliothèque, pour le compte de la Résistance. Enfin, il souligne le tragique destin du peuple juif, brûlé par Hitler et longtemps empêché d’avoir une terre. « Tel est notre destin : les prétextes changent, mais la haine subsiste. Quelle est la conclusion ? » (p. 39)
J’ai récemment découvert Amos Oz avec Scènes de vie villageoise et je me suis promis de lire toute son œuvre. Avec ce texte court, tendre et émouvant, je me réjouis de cette promesse qui me fait rencontrer un auteur majeur et sensible.