Roman graphique de Guy Delisle.
Ceci est une histoire vraie. En 1997, alors qu’il travaillait pour Médecins sans frontières dans le Caucase, Christophe André est enlevé par des Tchétchènes. « S’ils connaissaient mon prénom, c’est qu’ils ne m’avaient pas choisi par hasard. J’étais leur cible. » (p. 20) Déplacé à plusieurs reprises, il regarde les jours s’écouler pendant plus de trois mois. Il contemple le plafond, l’ampoule nue, la fenêtre bardée de planches. « Je suis bel et bien attaché à un radiateur dans une pièce sans meubles. » (p. 46) Les journées sont inlassablement rythmées par des bouillons de légumes et des passages éclair aux toilettes. Elles se ressemblent toutes. Christophe tente lutter contre les pensées négatives et le découragement : que font les secours ? A-t-il été abandonné par la France ? « J’en suis à combien de jours à mourir à petit feu ici ? Trente ? … Quarante ? … Putain, j’en peux plus ! » (p. 181) Il imagine les retrouvailles avec les siens et mille moyens d’échapper à sa prison et à ses geôliers dont il ne comprend pas la langue, ni les intentions. « J’en veux au monde entier de me laisser moisir ici. » (p. 216) Mais s’il raconte son histoire, c’est qu’il a eu la chance de s’échapper.
Dans un camaïeu de bleu et de gris, on assiste à la répétition des mêmes scènes et des mêmes gestes. Il y a des successions de vignettes quasiment identiques qui illustrent l’attente et le temps interminable et mortellement répétitif. « Ne pas perdre le décompte des jours. Le temps, c’est la seule chose dont je sois certain. » (p. 85) Ce roman graphique est une œuvre puissance et terrifiante qui, sans le montrer, écrit le mot « liberté » sur toutes les pages.