Roman de Paolo Cognetti. À paraître.
Pietro grandit à Milan avec son père chimiste et sa mère infirmière. Chaque été, la famille part dans le Val d’Aoste, à Grana. Le gamin suit son père dans d’interminables et répétées ascensions dans la montagne : l’homme est fasciné par les hauteurs et le trajet vers les cimes. « La forêt n’avait aucune grâce à ses yeux. […] Pour mon père, la forêt n’était rien d’autre qu’un passage obligé avant la haute montagne. » (p. 50) Mais Pietro rencontre Bruno et les deux garçons nouent une amitié solide faite de baignades dans les torrents et d’exploration entre les sapins. Chaque été, les gamins s’aventurent plus loin. « Notre amitié semblait vivre un été sans fin. » (p. 78) Cette relation permet à Pietro de supporter les randonnées éprouvantes que son père lui impose. « Aucune récompense ne nous attendait là-haut : hormis l’impossibilité de monter davantage, le sommet n’avait vraiment rien de particulier. » (p. 55) Pas étonnant qu’en grandissant, Pietro s’éloigne de la montagne et lui préfère la ville. À la mort de son père, Pietro revient à Grana : il y trouve un héritage particulier qu’il doit partager avec Bruno. Ces retrouvailles sont alors l’occasion de revenir sur sa jeunesse et de se rapprocher enfin de son père. « Un lieu que l’on a aimé enfant peut paraître complètement différemment à des yeux d’adultes et se révéler une déception, à moins qu’il ne nous rappelle celui que l’on n’est plus, et nous colle une profonde tristesse. » (p. 130) Pietro achève de grandir en acceptant le cadeau de son père et réapprend à aimer la montagne et à en voir la beauté, au point d’accepter par la suite de nombreuses missions au Népal, sur d’autres sommets et sous d’autres altitudes. « Qui redescendrait, s’il avait le choix ? » (p. 244)
Avec ce roman, Paolo Cognetti a récemment obtenu le prix Strega, équivalent de notre prix Goncourt. C’est largement mérité et je vois bien Les huit montagnes sur la liste du prix Médicis. L’auteur parle avec talent de la filiation qui est à la fois un poids et un bienfait. Il montre un monde qui se meurt : les sommets et les pentes sont désertés au profit des villes. Il semble désormais impossible de vivre comme un montagnard, quel que soit le désir que l’on en ait. Le temps qui passe est aussi meurtrier : s’il donne aux souvenirs une patine exquise, il ferme des portes et empêche de retrouver ce qui était cher aux yeux, au cœur et à l’âme. « Dans certaines vies, il existe des montagnes auxquelles il est impossible de retourner. » (p. 299) Les huit montagnes est un roman puissant, d’une grande beauté et dont certaines phrases sublimes donnent le vertige.