Nickel Boys

Roman de Colson Whitehead.

« Vous êtes ici parce que vous êtes incapables de vivre avec des gens respectables. Bon. Nickel est une école, et nous sommes des professeurs. Nous allons vous apprendre à faire les choses comme tout le monde. » (p. 47 & 48) Maltraitances. Cadavres de jeunes garçons criblés de chevrotine. Cimetière secret. Sévices corporels. Punitions disproportionnées. Abus de pouvoir. Trafics. Racisme. Injustice. Nourriture immonde. Fouet. Meurtres. C’est surtout cela qui compose l’histoire sordide de l’école disciplinaire de Nickel. « Les garçons arrivaient diversement abîmés à Nickel, où ils écopaient de nouvelles meurtrissures. » (p. 130) Elwood Curtis, jugé pour un vol qu’il n’a pas commis, a été condamné parce qu’il était noir. Tout simplement. Il continue à rêver de l’université, même s’il sait que Nickel ne peut rien lui apprendre. Entre baisser la tête et subir les coups d’une part, et refuser et se révolter d’autre part, Elwood et son ami Turner ont choisi. « Fuir était une folie, ne pas fuir aussi. » (p. 131) Dès le début du roman, le lecteur s’attache à Elwood, adulte, qui décide de revenir à Nickel pour confronter les cauchemars de son passé. « Ce n’était pas si loin. Ça ne le serait jamais. » (p. 11)

Cette histoire très inspirée d’un réel établissement de correction est insoutenable. L’auteur a trouvé un équilibre subtil entre les descriptions des horreurs infligées aux garçons et les ellipses, les secondes étant les plus horribles, car laissant le champ libre à l’imagination. Impossible de lâcher ce livre, notamment parce que les prétéritions construisent une attente impatiente du dénouement. Et quel dénouement !

J’avais tièdement apprécié le précédent roman encensé de Colson Whitehead, Underground Railroad, mais celui-ci est incontournable. J’ai trouvé dans ce texte quelque chose de Toni Morrison, une façon de parler de l’abjecte histoire raciste et ségrégationniste des États-Unis sans fard, mais sans accusation à charge. Les faits sont là, et ils sont terribles, et c’est tout le talent de l’auteur d’en faire œuvre littéraire et humaniste.

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