Jo’ est interne en médecine. No’ est un petit garçon malade qui ne comprend pas pourquoi sa maman ne vient pas le voir plus souvent à l’hôpital. Puis vient le drame et No’ n’est plus. Mais il se fait fantôme et s’attache à Jo’ qui, pour s’en débarrasser et lui rendre sa liberté, doit le rendre à sa mère. Mère qu’il faut donc retrouver, quelque part entre Rome et Jérusalem, avec pour seul indice un carnet où ce qu’elle révèle ne suffit pas à combler les silences.
Dès les premières pages, je me suis attachée aux pas de Jo’, brillant interne au cœur trop tendre pour s’endurcir devant la souffrance d’un môme et l’absence d’une mère. Quand il quitte tout – petite amie, travail, famille, pays – pour suivre la génitrice insaisissable, il part aussi à la rencontre de lui-même. En racontant l’avant et l’après, le narrateur suspend souvent le récit : ce n’est pas tant pour ménager le suspens que pour préparer le cœur du lecteur à encaisser ce qui va suivre et pour laisser à Jo’ le temps de souffler et d’encaisser, lui aussi, ce trop-plein de chagrin et d’émotion. Car oui, quoi de plus intolérable que la mort d’un enfant ? Par tous les moyens, on essaie de se soustraire à cette réalité noire.
Baptiste Beaulieu interroge avec délicatesse le mystère de la maternité, comment l’on devient mère, comment on choisit de l’être et comment on le reste. Ponctué de clichés pris par Jo’ et qui représentent No’, enfant qu’il est désormais le seul à voir, le texte navigue entre passé et présent : il se rapproche et s’éloigne d’un terrible évènement, d’une déchirure insupportable.
La ballade de l’enfant gris est un roman est frais et vif comme un bonbon qui pique, mais aussi âcre comme le bruit des ongles sur un tableau. C’est un texte qui parle d’amour, de toutes les amours, heureuses et malheureuses, et des trahisons qu’on juxtapose aux beaux sentiments. « C’est terrible, les amours qui auraient pu avoir lieu. Rien n’est pire dans la vie. Il n’y a pas d’autres douleurs. » (p. 176) C’est le genre d’histoire qui, bien que déchirante, réchauffe le cœur et l’arrose pour y faire pousser les fleurs du pardon et de la tolérance. À lire et à faire lire !