Billevesée du dimanche #63

Aujourd’hui, je veux vous faire découvrir un chanteur, Phil Ochs, que j’ai découvert grâce au roman de Stephen King, Cœurs perdus en Atlantide.

Phils Ochs a parfois été relié à Bob Dylan, mais sa carrière a été plus courte, notamment parce qu’il s’est suicidé à l’âge de 35 ans. Fort d’une sensibilité à fleur de peau, Phil Ochs s’est toujours élevé contre la guerre et l’asservissement des peuples. Farouche opposant à la guerre du Vietnam, il a milité avec des milliers de jeunes Américains pour faire cesser ce conflit meurtrier. Outre cette fibre pacifiste et cette sensibilité exacerbée, c’est l’humour du chanteur que j’apprécie particulièrement. Sans être bouffon ou comique troupier, il savait dénoncer avec finesse ce qui le révoltait.

Quelques titres que je vous conseille :

  • I ain’t marching anymore – Un soldat dit qu’il ne marche plus, qu’il ne croit plus aux appels à la mobilisation d’une civilisation qui ne cesse d’envoyer ses jeunes gens à la mort.
  • Bullets of MexicoUne ballade dénonçant les ravages de la révolution mexicaine.
  • Crucifixion – Une vision très personnelle de la création du monde, de la vie, de la mort et du sacrifice du Christ. Probablement une de mes chansons préférées de Phils Ochs.
  • Ballad of John Henry Faulk – Soutien à John Henry Faulk, journaliste qui a lutté contre les listes noires du maccarthysme, sur lesquelles il a été inscrites.
  • Santo Domingo – Phils Ochs raconte le débarquement des marines américains sur le sol de Saint-Domingue et comment cette arrivée bouleverse la vie paisible des locaux.
  • The Men Behind The Gun – Qui sont ces hommes qui tiennent des armes ?
  • What Are You Fighting For ? – Une chanson qui interroge sur le sens de l’engagement militaire.

Et pour une fois, ceci n’est pas une billevesée…

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Automne – 2 histoires d’arrière-saison

Roman graphique de Jon McNaught. Prix Révélation du festival d’Angoulême 2013. (Et c’est parfaitement mérité !)

Nous sommes à Dockwood, petite ville américaine parmi d’autres. Et c’est une journée comme les autres. À la maison de retraite Elmview, le commis de cuisine prépare et distribue les repas des pensionnaires. À la sortie du collège, un jeune garçon effectue sa tournée de distribution de journaux avant de rentrer chez lui pour s’asseoir devant un jeu vidéo.

C’est une journée d’automne parfaitement ordinaire et le quotidien routinier des personnages est à peine ébranlé par la mort d’un pensionnaire ou d’un rongeur sur le bord de la route. Dans les arbres, les oiseaux se regroupent avant de s’envoler vers des climats plus chauds. Les rats fouillent les détritus et les écureuils furètent un peu partout.

Il ne se passe vraiment pas grand-chose dans cette histoire, mais elle m’a bouleversée. C’est une œuvre d’une très grande beauté. L’automne est depuis toujours la saison que je préfère aux autres. J’aime aussi l’hiver, mais moins intensément que cette période de transition.

Dès que j’ai pris en main le roman graphique de Jon McNaught, j’ai été séduite par la qualité de la couverture dont le toucher rappelle le tissu. Ont suivi les pages, douces, épaisses, chaudes. Les cases sont très petites et l’histoire tient à la fois de la planche contact et du story-board. Il y a quelque chose de très dynamique dans ces suites d’images presque identiques, mais il faut ouvrir l’œil. Voilà, la souris est sortie du paquet de biscuit et la feuille s’est détachée de la branche. Chaque case capture un instant, une atmosphère. Et, brusquement, voilà qu’éclate une pleine page. L’automne n’est alors plus un puzzle, mais une symphonie. « Les feuilles comment à changer de couleur. […] Les arbres sont vraiment beaux ! »

Ne vous fiez pas à la taille aléatoire des images, c’est moi qui n’ai pas réussi à les mettre à la même dimension.

Il y a très peu de dialogues et très peu de textes de façon générale. Aucune description. Mais les onomatopées sont nombreuses. Et c’est comme si on plongeait dans cette journée et qu’on en percevait chaque seconde. Une chanson brise momentanément le silence, mais l’automne fait déjà son œuvre en appelant au calme. Le minimalisme du texte s’accompagne d’une économie de couleurs parfaitement maîtrisée. Entre orange sépia, bleu glacé, blanc et noir, l’automne est là, alliant la chaleur de ses couleurs à la fraîcheur, voire la froidure de son air.

Jon McNaught propose une œuvre très contemplative, très douce, un rien mélancolique. Il illustre parfaitement ma vision de l’automne, entre feuilles mouillées, flaques lumineuses et rayons de soleil dans l’air frais. L’arrière-saison est cet entre-deux serein entre deux saisons plus rigoureuses, cette parenthèse suspendue entre l’hystérie des plages et l’effervescence des guirlandes lumineuses. Je le répète : cette œuvre m’a bouleversée. Je vais la garder à portée de main dès que l’automne se fera trop lointain et que l’été écrasera tout de sa chaleur indélicate.

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Claude Gueux

Essai de Victor Hugo.

Pour avoir volé du pain pour nourrir sa famille, Claude Gueux est emprisonné. Homme doux, intelligent et d’âme noble, il s’attire le respect et l’amitié des autres prisonniers, mais ne récolte que l’inimitié des geôliers, notamment celle du directeur de l’atelier pénitentiaire, Monsieur D. « Il avait au fond du cœur une haine secrète, envieuse, implacable, contre Claude, une haine de souverain de droit à souverain de fait, de pouvoir temporel à pouvoir spirituel. » (p. 14) Pour se venger de ce prisonnier, Monsieur D. le sépare de son seul ami, le jeune Albin, un voleur qui partageait son pain avec Claude. Sourd aux suppliques de Claude Gueux, se moquant de sa tristesse, Monsieur D. pense avoir pris l’ascendant sur le prisonnier. Mais Claude décide d’appliquer sa propre justice, la justice du bafoué. De voleur, il devient assassin. À son procès, n’accusant personne, il demande seulement ce qui a fait de lui ce voleur et cet assassin. Pour toute réponse, la justice lui fera entendre le sifflement de la guillotine.

Mais ceci n’est que la première de ce texte très court, l’histoire de Claude Gueux n’étant qu’un exemple édifiant. « Je dis les choses comme elles sont, laissant le lecteur ramasser les moralités que les faits sèment sur leur chemin. » (p. 7) Ce que Victor Hugo veut, c’est dénoncer un système judiciaire et carcéral qui ne répond en rien aux besoins d’une société affamée et dépossédée de tout. « Messieurs des centres, messieurs des extrémités, le gros peuple souffre. Que vous l’appeliez république ou que vous l’appeliez monarchie, le peuple souffre. Ceci est un fait. Le peuple a faim. Le peuple a froid. La misère le pousse au crime ou au vice, selon le sexe. Ayez pitié du peuple, à qui le bagne prend ses fils, et le lupanar ses filles. » (p. 39 & 40) Dans son plaidoyer, Victor Hugo appelle la Chambre des députés à écarter les sujets frivoles pour réfléchir à la constitution d’une meilleure société, arguant que les lois en place ne savent pas soigner les maux du peuple. Enfin, et surtout, Victor Hugo s’élève contre la peine de mort qui est pour lui un crime public et légal.

Voici donc le texte à l’origine des Misérables. Court, vibrant, incisif, Claude Gueux est un essai politique et social qui rappelle que Victor Hugo était un grand orateur. C’est une lecture essentielle pour comprendre les différentes révolutions du 19e siècle.

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Poil d’or, le lapin géant

Album de Marie Barrillon. Illustrations de Sieskja.

Poil d’or est un lapin géant qui répand la joie et la gentillesse partout où il passe. « Poil d’or donnait des poils magiques à tous les gens, à tous les animaux dans le besoin et toujours ses poils repoussaient, et toujours ils étaient magiques. Et toujours… ils faisaient le bonheur de ceux qui en possédaient un. » (p. 11) Au village, tout le monde aime ce grand lapin magique. Mais un jour, Poil d’or tombe malade et disparaît. C’est l’effervescence au village et tout le monde se mobilise pour retrouver le meilleur ami de chacun.

Un lapin géant et gentil, voilà qui ne peut que me plaire. Sauf que… j’ai trouvé l’histoire affreusement cucul. Poil d’Or est gentil. Tout le monde aime Poil d’or. Tout le monde aide Poil d’or. Poil est heureux. OK, ce petit conte illustre la notion de partage et de générosité réciproque. Mais le rebondissement n’en est pas vraiment un, à mon sens.

Les illustrations sont très belles, mais je pense que l’impression ne leur rend pas hommage puisque certains détails ont un aspect flou comme après un vilain scannage et que certains dessins sont pixellisés. Dommage donc : cet album était prometteur, mais il me laisse un goût de pas assez et de pas vraiment.

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Les roses de Somerset

Roman de Leila Meacham.

Alors qu’elle se sait mourante, Mary Toliver modifie son testament et prive sa nièce du domaine de Somerset qui devait pourtant lui revenir. Ce faisant, la vieille dame espère que la jeune femme échappera à la malédiction de Toliver. Mais pour comprendre ce lourd anathème familial, il faut remonter au début du 20e siècle, à Howbutker, ville florissante du Texas jadis fondée par les Warwick, exploitants en bois, les Toliver, planteurs de coton et les Dumont, vendeurs d’articles de luxe.

En 1916, à peine âgée de 16 ans, Mary Toliver hérite de Somerset. Pour elle qui porte dans son sang les terres de ses ancêtres, cet héritage est logique, mais il lui met à dos son frère et sa mère qui s’estiment spoliés. En dépit de sa jeunesse, Mary est pleine de volonté et elle est déterminée à sauver le domaine des créanciers, même si elle doit pour cela renoncer à l’amour de Percy Warwick. Le choix est déchirant : sa plantation ou l’homme qui l’adore. Les années passant, ce sont les enfants et les petits-enfants de Mary et Percy qui auront à subir la loi implacable de Somerset.

Somerset, plantation de coton. Ces quelques mots évoquent un mythe américain à base de possession, de chaleur, de récolte et de labeur. Le coton a fait la fortune des états du Sud américain, mais il a aussi fait couler le sang et les larmes. Somerset n’échappe pas à cette règle : « Cette plantation risque de te trahir, de te décevoir, de t’épuiser, mais elle ne te quittera jamais. » (p. 88) Dans le cœur des hommes, la propriété s’oppose à la famille et ce dilemme déchire des générations. Mais, comme les roses blanches et rouges des antiques York et Lancaster, le pardon est une fleur fragile à qui il faut laisser le temps d’éclore.

Les roses de Somerset est un pavé, mais les 500 pages s’effeuillent à toute allure. L’intrigue est prenante et construite. En adoptant successivement les points de vue de Mary, Percy et Rachel, l’histoire embrasse parfaitement les destins croisés de plusieurs familles et de plusieurs générations. Ce qui fait tout le charme des sagas, c’est la révélation progressive de tous les secrets qui se sont noués. Si vous y ajoutez un peu de la caniculaire chaleur texane et des femmes au caractère bien trempé, vous obtenez un très bon roman sentimental. J’avoue que Mary m’a d’abord prodigieusement agacée. Je n’y peux rien, les personnages à la Scarlett O’Hara me tapent sur les nerfs : les fifilles à papa pourries gâtées qui veulent le beurre, l’argent du beurre et le fils de la crémière sans considération pour les désirs et les attentes des autres n’obtiennent que rarement ma sympathie. Heureusement pour Mary, son personnage évolue et celui de Rachel ne ressemble que partiellement à celui de sa tante.

La plume de Leila Meacham est honnête et maîtrisée, mais n’a rien de renversant. De toute façon, ce n’est pas vraiment ce qu’on demande à ce genre de roman : Les roses de Somerset offre une bonne histoire, des personnages attachants et un parfait moment de détente. Si vous comptez l’emmener dans le train, vous ne mettrez pas grand-chose d’autre dans votre sac à main, mais vous passerez un charmant moment de lecture.

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La tour sombre – Tome 5 : Les loups de la Calla

Tome 1 : Le pistolero – Tome 2 : Les trois cartes – Tome 3 : Terres perdues – Tome 4 : Magie et cristal

Depuis plusieurs générations, les loups descendent de Tonnefoudre et enlèvent les enfants de la Calla. Quand les enfants reviennent, ils sont crânés et toute étincelle d’intelligence et d’âme a disparu : ils ne sont plus qu’« un corps énorme sous une tête vide. » (p. 31) Dans ce pays où ne naissent presque que des jumeaux, les loups n’enlèvent qu’un enfant par paire et nul ne sait pourquoi, ni ce qu’il advient des enfants à Tonnefoudre.

Pendant ce temps, Roland et son ka-tet ne savent pas comment ils ont quitté le palais de cristal vert, ni ce qui s’est passé après leur rencontre avec John Farson, l’ennemi juré du pistolero qui se fait aussi appeler Marten. Mais ils ont compris qu’il existe une rose : si fragile soit-elle, elle possède une puissance extraordinaire. « Il y a deux pivots dans l’Existence. […] Deux ! […] La Tour… et la rose. Pourtant, elles ne sont qu’une seule et même chose. » (p. 195) Alors, quand la Calla se dresse soudain sur le chemin des pistoleros, ils doivent choisir s’il faut d’abord protéger la rose ou sauver les jumeaux de ce pays.

Dans le tome précédent, au cours de sa longue confession, Roland avait appris à ses amis l’existence de boules de cristal capables de faire voyager les hommes. La plus terrible d’entre elles est la Treizième Noire. Si elle peut aider les membres du ka-tet à partir vaadasch, elle peut également se retourner contre ceux qui l’utilisent et quand elle est aux mains d’une puissance malveillante. Ainsi, chaque voyage qu’Eddie entreprend vers New York pour tenter de sauver la rose est une traversée pleine de dangers.

Le ka-tet rencontre le prêtre Callahan qui leur raconte son terrible passé, aux prises avec l’homme en noir, les vampires et les hommes en manteau jaune. Ces derniers, Stephen King en a déjà parlé dans Cœurs perdus en Atlantide, le roman qui m’a justement ouvert les portes de La Tour sombre. Dans ce cinquième volume, on entend aussi parler des Briseurs de Rayon. Et on croise Andy le robot et Mia fille de personne. De nombreux récits s’intercalent dans l’intrigue et ralentissent la quête. Ou plutôt, sauver les enfants de la Calla est une quête dans la quête.

Stephen King met en abyme ses propres textes, mais également des histoires de la culture américaine et moderne. Ainsi, on croise quelques éléments échappés de La guerre des étoiles ou de l’univers d’Harry Potter, ou encore des comics Marvel. Sous la plume de Stephen King, la culture populaire devient mythique et compose un palimpseste à la fois drôle et subtil.

J’ai beaucoup aimé ce tome, même s’il s’éloigne un brin de la Tour sombre. Et j’ai été particulièrement touchée par Jake : le garçon perd peu à peu son innocence et le pistolero ne peut s’empêcher de souffrir de ce qu’endure son jeune ami. « Non, tu n’as pas demandé à être amené ici. Moi non plus, je n’ai pas cherché à te voler ton enfance. Pourtant, nous voici ici et le ka se tient au bord de la route et se rit de nous. Il nous faut agir selon sa volonté ou bien en payer le prix. » (p. 379) Et maintenant, vivement le tome suivant, à la poursuite de Susannah et des deux monstres qu’elle abrite…

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Billevesée du dimanche #62

Fille de militaire, je crois que j’ai eu le béguin pour tous les (beaux) collègues de mon papa. Difficile de résister au prestige de l’uniforme. Et comme je suis très attachée à la discipline, j’ai toujours aimé voir les militaires faire leur fameux salut, main au niveau de la tempe.

Durant l’Antiquité, lever sa main ouverte était un signe de paix, preuve qu’on ne tenait pas d’arme. Au Moyen-Âge, ce salut pacifique est devenu un geste de courtoisie : lors de combats singuliers, le chevalier levait la main droite pour soulever la visière de son heaume et présenter son visage à son adversaire. Les siècles passant, le geste est entré dans les codes militaires et il est devenu une marque de respect qu’un subalterne adresse à son supérieur et à tout militaire plus gradé que lui.

Alors, billevesée ?

Et si c’est une femme qui vous salue ce dimanche, c’est pour vous rappeler que l’armée n’est plus seulement un métier d’hommes.

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Billevesée du dimanche #66

Savez-vous que les rails de chemin de fer des États-Unis sont écartés de 4 pieds et 8,5 pouces, soit 143,5 cm ? Étrange mesure, n’est-ce pas ? Cela s’explique parce que les ingénieurs anglais expatriés qui ont construit les premiers rails américains ont suivi les normes anglaises afin de pouvoir utiliser des locomotives anglaises. Et les rails anglais sont ainsi espacés parce que les ingénieurs anglais des chemins de fer construisaient déjà les rails de tramway avec cet écartement de 143,5 cm. Jusque-là, tout est simple, mais voyons la suite.

Il se trouve que les constructeurs de tramway étaient à l’origine constructeurs de chariot : ils ont utilisé les mêmes méthodes et les mêmes outils pour construire le tramway. Mais pourquoi un tel écartement des roues de chariot ? Et bien parce que 143,5 cm, c’est la distance qui séparent les ornières parallèles de toutes les routes anglaises et européennes. Si l’espacement entre les roues ne respectait pas celui des ornières, le risque était grand de briser l’essieu du chariot.

Continuons la remontée dans le temps. Pourquoi les ornières sont-elles ainsi séparées de 143,5 cm ? Il faut savoir que les premières routes européennes ont été aménagées par l’Empire romain qui voulait faciliter et accélérer les déplacements de son armée. Et les premiers chariots à emprunter ces routes étaient des chariots de guerre tirés par deux chevaux galopant côte à côte et suffisamment espacés pour ne pas se gêner. Or, pour que le chariot soit le plus stable possible, il ne fallait pas que les roues se situent dans la continuité des empreintes des chevaux, sans pour autant être trop écartées, ce qui aurait pu être gênant lors du croisement de deux chariots.

Voici donc pourquoi l’écartement des rails de chemin de fer américains mesurent 143,5 cm : 2000 ans avant la conquête de l’Ouest, la conquête romaine a déterminé cette largeur en fonction de la dimension de l’arrière-train des chevaux !

Dernière anecdote amusante ! Si vous regardez une navette spatiale américaine, vous voyez deux réservoirs additionnels de carburant attachés au réservoir principal. Ces réservoirs annexes sont fabriqués par la société Thiokol, en Utah. L’entreprise aurait souhaité produire des réservoirs de plus grande dimension, mais elle est soumise à une contrainte de transport. En effet, entre l’usine et Cap Canaveral, il faut emprunter un tunnel ferroviaire sous les montagnes Rocheuses, avec des rails écartés à 143,5 cm. La largeur des réservoirs ne doit donc pas dépasser la dimension de l’arrière-train de deux chevaux. Ainsi, le moyen de transport le plus avancé du monde dépend de la largeur du cul des chevaux…

Alors, billevesée ?

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L’œil du lapin

Texte autobiographique de François Cavanna.

François Cavanna est le fils d’immigrés italiens. Dans ce texte, il raconte sa mère, une femme aux ambitions avortées qui reporta tout son désir de réussite sur son unique enfant. « Son insatiable besoin d’aimer, son besoin, surtout, de créer, de façonner de ses mains, maman l’a reporté sur moi. Son fils. Son cadeau du ciel. Maman n’a eu qu’un seul grand amour dans sa chienne de vie : moi. Elle avait son fils, elle n’avait plus besoin de rien d’autre. » (p. 48) Le petit François est un enfant brillant et c’est avec plaisir qu’il voit que sa réussite est aussi celle de sa mère. « Maman, vachement fière, tiens. Elle avait fait un petit Rital, et voilà, il était plus fort que tous les Français. Ça la vengeait de tout, maman. » (p. 20) Mais voilà, on ne peut pas vivre que pour sa mère. Et c’est ce que raconte l’auteur dans son texte.

Autant le dire immédiatement, j’ai lu ce texte en diagonale et en sautant des chapitres. Passées les cinquante premières pages, j’ai été incapable de m’intéresser à cette histoire. Et j’ai été plus qu’agacée par la façon dont l’auteur retranscrit l’accent italien de sa mère. Trois lignes, ça passe. Mais des pages de dialogue ainsi écrites m’ont fait frôler l’overdose.

Certes, cette histoire avait tout pour émouvoir. L’auteur raconte une enfance qui, si elle n’était pas pauvre, était sans aucun doute chiche. Mais dans le petit monde des immigrés, chacun fait de son mieux pour ne pas paraître miséreux. Un enfant devenu adulte qui parle de sa mère, ça aurait pu être bouleversant. Mais tout le monde n’est pas Albert Cohen qui, dans Le livre de ma mère, m’avait retourné le cœur, me désespérant presque de ne pas savoir écrire aussi bien pour dire mon amour à ma mère. Du côté de Cavanna, ça ne marche pas, je n’ai pas accroché.

Quant au titre, si vous voulez tout savoir, le mystère qui l’entoure est tout simplement effroyable. Mais c’est une fille qui n’a jamais tué d’animaux qui vous le dit, une amoureuse des bêtes qui fait semblant de croire que la viande qui est dans son assiette n’a pas d’abord été une bestiole adorable… Bref, si vous avez le cœur aussi peu accroché que le mien, ne lisez pas le dernier chapitre ! De mon côté, je dois arrêter de livre des livres uniquement parce que le titre contient le mot LAPIN…

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Les blagues Carambar

Anthologie d’histoires drôles.

Est-il besoin de faire un résumé ? Les blagues Carambar sont aussi célèbres que le bonbon lui-même ! Que ne ferais-je pas pour un Carambar ? Mélange de caramel et de cacao, ce long bonbon fait plaisir à déguster : on peut le mâchouiller, le tordre, l’étirer… Mais le plus drôle, ce sont bien les blagues imprimées à l’intérieur du papier.

D’aucuns ricanent niaisement et haussent les épaules, mais qui n’a jamais ri franchement devant une de ces blagues ? Les pitres de cours de récréation font leurs premières armes de comique grâce à elles !

Cet ouvrage rassemble une bonne centaine de blagues Carambar qui se déclinent en devinettes, charades ou infos rigolotes. J’ai souri tout le monde du livre, un Carambar entre les doigts !

Pour terminer, deux blagues particulièrement savoureuses !

« Comment appelle-t-on un lapin sourd ? / Réponse : LAAAAAAAAPIN ! » (p. 27)

« De quoi à besoin un éléphant qui a la diarrhée ? / Réponse : De beaucoup d’espace. » (p. 75)

Avouez que vous avez ri !

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Billevesée du dimanche #61

Dire d’une femme qu’elle est un bas-bleu est particulièrement péjoratif : sont ainsi qualifiées les dames dont les hommes estiment qu’elles se piquent de prétentions trop intellectuelles ou littéraires. Bref, c’est une expression de misogyne, de macho, voire de butor !

Chers messieurs à l’esprit étroit, sachez que nous devons cette expression à un homme qui se présenta un jour dans un cercle littéraire chaussé de bas bleus ! Au 18° siècle, une Anglaise du nom d’Elizabeth Montagu tenait salon et affirmait qu’elle recevait plus volontiers les gens d’esprit que les élégants. Si mal attifé, Benjamin Stillingfleet prouva qu’il avait plus d’esprit que de goût. Par extension, un bas-bleu valait davantage par son mérite personnel que par son extraction sociale, ce qui ne manqua pas d’agacer les bien-pensants, les conservateurs et les réactionnaires qui en profitèrent pour moquer cette appellation.

Cette expression si méprisante dont on affuble les femmes d’esprit est donc née de la faute de goût d’un homme à qui on ne fit absolument pas reproche de ne pas savoir accorder les couleurs. Na !

Alors, billevesée ?

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Le condamné à mort et autres poème, suivi de Le funambule

Recueil de poèmes de Jean Genet.

Le condamné à mort  est dédié « à Maurice Pilorge, assassin de vingt ans ». C’est un long poème qu’un amant adresse à son aimé, séparé de lui dans une autre cellule. Cette élégie carcérale, ce sont les dernières amours d’un condamné. « Tristesse dans ma bouche ! Amertume gonflant / Gonflant mon pauvre cœur ! Mes amours parfumées / Adieu vont s’en aller ! / Adieu couilles aimées ! / Ô sur ma voix coupée adieu chibre insolent ! » (p. 13) Aucun remords ou aucun repentir : la faute de l’amant condamné n’est rien, elle compte pour rien : seule vaut l’insolente beauté et l’arrogante jeunesse que l’amant poète ne cesse de célébrer, les érigeant en raisons, en excuses, voire en alibis. « Nous n’avions pas fini de nous parler d’amour. / Nous n’avions pas fini de fumer nos gitanes. / On peut se demander pourquoi les Cours condamnent / Un assassin si beau qu’il fait pâlir le jour. » (p. 18)

Dans ses autres poèmes, s’il fait référence à l’amant coupable, Jean Genet célèbre surtout les amours homosexuelles, entre félicité et douleur, comme le sont toutes les amours. « J’arrive dans l’amour comme on entre dans l’eau, / Les paumes en avant, aveuglé, mes sanglots / Retenus gonflent d’air ta présence en moi-même / Où ta présence est lourde, éternelle. Je t’aime. » (p. 84) Le poète peint des tableaux où l’érotisme, voire la pornographie, se font poétiques. Mais le lyrisme reste toujours canaille et gouailleur. Sous des dehors très classiques où l’alexandrin s’installe confortablement dans des quatrains, rien n’est sage. Le poète ne maîtrise les règles de l’art que pour mieux s’en jouer. Ainsi, les rimes embrassées font des pieds de nez aux murs qui séparent les amants et les rejets en début de vers sont autant d’éjaculations audacieuses.

Dans Le funambule, c’est à Adballah qu’il s’adresse, son jeune amant artiste. « Ce sont de vains, de maladroits conseils que je t’adresse. Personne ne saurait les suivre. Mais je ne voulais pas autre chose : qu’écrire à propos de cet art un poème dont la chaleur montera à tes joues. Il s’agissait de t’enflammer, non de t’enseigner. » (p. 127) Ce poème en prose est un appel à l’humilité du funambule qui ne doit être superbe que sur son fil. Et l’osmose doit être parfaite entre l’homme et l’objet. « Cet amour – mais presque désespéré, mais chargé de tendresse – que tu dois montrer à ton fil, il aura autant de force qu’en montre le fil de fer pour te porter. Je connais les objets, leur malignité, leur cruauté, leur gratitude aussi. Le fil était mort – ou si tu veux, muet, aveugle – te voici : il va vivre et parler. » (p. 107)

Ce recueil, je le lis et le relis depuis des années. Je n’avais pas encore osé en parler sur ce blog. Oh, ce n’est pas par pudibonderie devant le sujet. C’était plutôt l’aveu de mon incapacité à parler suffisamment bien de ces textes superbes. Maintenant que ce billet est écrit et publié, j’ai honte de mes mots si plats qui rendent si mal hommage à la sublime prose poétique de Jean Genet. Je lis peu, très peu de poésie, mais celle-ci me berce depuis longtemps.

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La tour sombre – Tome 4 : Magie et cristal

Tome 1 : Le pistolero – Tome 2 : Les trois cartes – Tome 3 : Terres perdues

Roman de Stephen King. Illustrations de Dave McKean.

Roland, Eddie, Susannah, Jake et Ote sont lancés à pleine vitesse dans un train suicidaire. Leur seule chance de survie est de se livrer à un petit jeu fatal de devinettes. Au terminus, le ka-tet aura changé de monde, une fois encore. « Nous voilà tout près de la fin de l’Entre-Deux-Mondes et tout près du commencement du Monde Ultime. La première grande étape de notre quête est terminée. » (p. 97) Momentanément détourné du Sentier du Rayon, le groupe doit prendre le temps de s’arrêter et d’écouter le récit de Roland.

Le pistolero aux yeux de glace porte depuis des décennies de multiples chagrins. Le plus douloureux d’entre eux est celui qui concerne Susan Delgado, son premier et unique amour. « Comme toute drogue, le premier et parfait amour n’intéresse vraiment que ceux qui en sont prisonniers. Et comme toute drogue dure qui rend accro, le premier et parfait amour est dangereux. » (p. 443) Alors qu’il avait à peine 14 ans, peu après avoir réussi l’épreuve d’initiation qui fit de lui un pistolero, Roland dut s’éloigner de Gilead avec ses amis Cuthbert et Alain. Missionnés pour une banale mission de recensement dans une baronnie des Terres Extérieures, les trois jeunes gens découvrent rapidement un complot qui menace l’Affiliation. À sa tête, John Farson prévoit de détruire l’équilibre du monde. « John Farson n’est qu’un méchant fétu de paille dans la meule de mauvaiseté des temps présents. » (p. 268) Pour les trois amis, cet exil loin de Gilead est la fin de l’enfance.

Quel plaisir de découvrir le passé de Roland ! Stephen King a écrit ce tome 26 ans après le précédent, mais il a prouvé qu’il maîtrisait son récit et qu’il ne lançait aucune piste sans la suivre. Entre boule de cristal et don de shining, on retrouve l’homme en noir et on entend parler du Roi Cramoisi. Les descriptions de l’étrange univers de Roland et de ses camarades précisent une histoire tourmentée : une catastrophe nucléaire semble avoir supplicié le monde d’avant. Le Vieux Peuple qui a disparu maîtrisait le pétrole et l’électricité. Ainsi, l’intrigue se déroulerait probablement quelques générations après notre temps, ou du moins après le temps d’écriture de l’histoire. Vous qui lisez ce cycle fantastique, prenez garde aux tramées, ces zones où l’univers laisse apparaître sa structure.

Au début de ma lecture de ce quatrième volume, j’ai été momentanément déstabilisée : en effet, le traducteur a changé et il ne reprend pas certains termes des anciens tomes. Autre surprise, les feuillets illustrés insérés au centre du volume. Chaque page est un tableau très onirique qui renvoie aux scènes du roman. Cette parenthèse colorée est à la fois une respiration et un repère. Je n’ai pas boudé mon plaisir tout au long de ce quatrième tome ! Me voilà à mi-parcours du cycle de la Tour sombre et j’ai hâte de poursuivre ma lecture sur le Sentier du Rayon !

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Sang d’encre

Roman de Stéphanie Hochet.

Le narrateur est fasciné par les tatouages. Il en dessine pour Dimitri, son ami qui est artiste tatoueur. Lors d’un voyage en Italie, le narrateur découvre une devise inscrite sur un cadran solaire : Vulnerant omnes, ultima nequat. Cette phrase l’obsède et le charme tellement qu’il décide de sauter enfin le pas et de se faire tatouer, juste sur le plexus solaire. « Étrange impression d’être marqué comme le bétail, et en même temps se sentir distingué, protégé par ce signe-talisman. Tel un croyant que le prêtre aurait béni. » (p. 27) Passés les premiers jours d’euphorie où l’homme n’a de cesse d’arborer son tatouage auprès d’éphémères conquêtes, voilà que l’encre s’efface et que l’inscription disparaît. Et peu à peu, c’est le sang du narrateur qui s’éclaircit et blanchit. « Mon Vulnerant me rendrait-il moins fort ? » (p. 34)

Quelle étrange histoire que cette angoisse de la peau blanche ! L’auteure dessine une calligraphie épidermique au pouvoir macabre. Le talisman que le narrateur s’est appliqué à même la peau ne porte pas bonheur : rien ne conjure le temps, ni n’empêche les choses de s’effacer et de disparaître. En inscrivant dans sa chair une devise prophétique, l’homme s’est fait l’objet de mesure de son propre temps. « Tatouer devient un art performatif, le tatoueur en action crée la réalité. » (p. 87) Ainsi, la disparition presque oulipienne des premiers mots du tatouage renvoie l’homme à sa nature mortelle, jusqu’à la folie.

Ce roman très court lance de nombreux filets, mais j’ai le sentiment que certains sont revenus à vide ou ont échoué en haute mer. Je n’ai pas vraiment réussi à relier tous les aspects de cette histoire. Mais j’ai été tout simplement fascinée par ce tatouage éphémère et la prise de conscience qu’il occasionne chez le héros. Moi qui serais bien incapable de marquer ainsi ma peau, frileuse devant un tel engagement charnel, j’ai oscillé entre horreur et admiration devant l’homme qui se fait inscrire sa destinée sur le plexus.

Un grand merci à Stéphanie Hochet qui m’a proposé de lire son livre et qui l’a joliment dédicacé. Un petit mot sur les Éditions des Busclats : elles proposent à des auteurs reconnus de sortir de leurs sentiers battus littéraires le temps d’un texte court. Je ne connais pas encore d’autres textes de Stéphanie Hochet, je ne peux donc pas apprécier la différence, mais je vais m’empresser d’y remédier pour retrouver cette plume forte et évocatrice.

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Billevesée du dimanche #60

Faites l’amour, pas la guerre ! Peace and love ! Autant de slogans souvent accompagnés du signe suivant : !

Mais savez-vous ce que veut dire ce signe largement repris par le mouvement hippie ? Il réunit les lettres N et D de l’alphabet sémaphore de la marine britannique et signifie Nuclear Disarmament.

Alors, billevesée ?

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Earl & Mooch – L’amour donne des ailes

Bande dessinée de Patrick McDonnell.

Mooch est amoureux ! L’élue de son cœur s’appelle Chnelly et c’est une chatte d’appartement. Le matou va tout faire pour attirer l’attention de sa belle : sa sérénade sera-t-elle entendue ? Pendant ce temps, les oiseaux pondent et Earl est toujours aussi dingue de son maître. Mais le cabot a un doute : est-ce que son ami Mooch n’aurait pas d’autres fréquentations ? Oui, Earl se sent un peu abandonné. Pas de panique : entre Earl et Mooch, c’est du solide !

Voilà le temps des vacances et tout le monde, maîtres et animaux, part au bord de la mer. Mais il y fait bien trop chaud pour nos deux amis à poils. Comment se rafraîchir ? En piquant un somme dans la glacière ou en chipant les glaces des enfants ? Hélas, même les bonnes choses ont une fin. « Mon Ozzie fait ses bagages. On rentre chez nous. / Mais je ne veux pas rentrer ! J’adore les vacances et ne rien faire ! / Chez toi non plus tu ne fais rien ! / Ouiche. Mais ici, j’y mets du style ! » (p. 36)

Toujours avec style, entre deux empiffrements, Mooch entraîne Earl dans une exposition canine, mais le chat a bien du mal à comprendre le principe de la compétition. « Comment faire pour être couronné, ici ? Gymnastique ? Numéro de cirque ? Test de connaissance ? / Non, seule compte la beauté. / Quoi ! Mais c’est impossible !?! Y’a que des chiens ! » (p. 48) Bon sang ne saurait mentir, paraît-il, mais Mooch n’a pas ce genre de scrupules…

Quel bonheur de retrouver les deux compères. J’ai une affection toute particulière pour Earl : ce petit chien est souvent inquiet de ne pas voir rentrer son Ozzie ou de perdre de vue son Mooch. C’est un adorable cabot fidèle et affectueux. Mooch est bien plus indépendant, même s’il ne peut se passer de sa gamelle (et de celle de son copain).

Ces aventures drôles et charmantes étaient à la base les strips hebdomadaires et les pages du dimanche publiés dans le New York Time dans les années 1990. Comme quoi, il suffit de quelques pages, de quelques traits et de quelques mots pour faire mouche et pour faire rire ! Maintenant, je cherche les tomes 1 et 3 de cette bande dessinée. Oui, je suis accro !

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Écoute la pluie

Roman de Michèle Lesbre.

Une jeune femme attend un métro. Au moment où la rame entre en gare, un vieil homme lui sourit et se jette sous les rails. La jeune femme s’enfuit et erre dans la ville, sous la pluie, tourmentée par l’image de cet homme souriant. Ce faisant, elle oublie son rendez-vous avec son amant dans un hôtel près d’une plage. Ce n’est qu’au matin qu’elle raconte sa nuit déambulatoire. Mais l’amant photographe n’est pas sensible aux mots : saura-t-il entendre tout ce que signifie la phrase « Écoute la pluie » ?

Le récit de la marche sous la pluie s’entremêle de souvenirs. On perçoit que le couple a vécu de belles heures et qu’il tente de réchauffer un sentiment qui vacille. « Les voyages nous ont beaucoup portés, les retours nous ont perdus parfois. » (p. 24) La nuit d’amour devenue nuit de mort semble ne jamais finir et la pluie qui balaye la ville n’efface pas l’image macabre du vieil homme. Et pour une fois, la tourmente n’apaise pas le cœur de la narratrice, pourtant habituée à communier avec le ciel. « Des éclairs lointains déchirent le ciel, j’aime l’orage et sa grande colère. » (p. 35)

Le titre de ce roman aussi bref qu’une giboulée est particulièrement charmant : écouter la pluie, je le fais souvent et avec un plaisir intense. Hélas, je n’ai pas retrouvé la beauté du chant du ciel dans ce texte de Michèle Lesbre. Je suis restée sur le quai, ni happée par la mort du vieil homme, ni entraînée dans l’errance nocturne de la narratrice. De très loin, j’ai suivi sa déambulation bouleversée, sans ciller. D’ordinaire, les écrits de cette auteure m’empoignent et me transportent. Pas cette fois. Mais ça ne m’empêchera pas d’écouter la pluie quand elle reviendra.

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Des milliards de tapis de cheveux

Roman d’Andreas Eschbach.

À Yahannochia, ville perdue sur une planète isolée de la galaxie, les habitants vivent d’une tradition unique et millénaire : des tisseurs créent des tapis de cheveux destinés à orner le palais de l’Empereur. Pour faire un tapis, le tisseur passe sa vie courbé sur son chevalet et assemble les cheveux de ses femmes et de ses filles. Une fois son tapis achevé, il le donne à son fils qui le vend et commence alors à tisser son propre tapis. « Chaque génération a une dette envers la génération précédente et s’en acquitte auprès de ses propres enfants. » (p. 20)

D’année en année, de siècle en siècle, la caste des tisseurs se dévoue corps et âme à sa mission presque religieuse. « Ce que vous êtes ne vous appartient pas, vous appartenez à l’Empereur, notre maître, et la seule façon pour vous de vivre, c’est d’accepter de vivre à travers lui ! » (p. 41) Il semble que la planète des tisseurs de tapis de cheveux ait été oubliée pendant bien trop longtemps, voire qu’elle ait été forcée à régresser pour mieux se soumettre. « Produire des tapis en cheveux, telle était la sainte mission que l’Empereur avait confiée à ce monde ; mais pour d’obscures raisons, la puissance qui avait soutenu cette mission s’éteint. » (p. 130) Mais voilà une rumeur enfle et envahit la galaxie : on dit qu’une rébellion aurait éclaté et aurait renversé l’Empereur, pourtant immortel et omnipotent. Si l’Empereur a disparu, que deviennent les tapis de cheveux ?

Hum… attention, lecture hautement intéressante ! Si on ne s’attache à aucun personnage, le récit progresse plutôt bien sur de très nombreuses années, voire des décennies. L’enchaînement des points de vue est fluide et présente différentes fonctions essentielles au maintien du système impérial nécessaire à la production et à la transaction des tapis en cheveux. Les personnes que l’on croise d’un chapitre à l’autre finissent par former une véritable chaîne logique. Tout le texte est sous-tendu par une grande violence, mais sa représentation est toujours avortée ou seulement suggérée. J’ai été très impatiente de connaître le mystère qui entoure les tapis de cheveux : si j’ai failli être déçue par la conclusion et l’explication, j’ai finalement été bluffée par la puissance absurde de ce roman. Andreas Eschbach sublime les liens de causalité en soulignant combien une cause ridicule peut avoir des conséquences gigantesques.

Nous verrons bien ce qu’en penseront mes amies du club des lectrices… (pas taper, les filles, pas taper !)

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Victor Dojlida, une vie dans l’ombre

Texte de Michèle Lesbre.

L’auteure rend hommage à Victor Dojdila, fils d’immigrés polonais qui a passé quarante ans dans les prisons françaises pour un geste malheureux qui hurlait sa colère. Tout ce que voulait Victor, c’était obtenir réparation pour les années passées à Dachau. « Nous avons été bouleversés par cette hargne qui te poussait à vouloir régler tes comptes, jusqu’au bout, jusque dans tes derniers jours. » (p. 12) Victor n’était pas un saint et ce n’est certainement pas ainsi que Michèle Lesbre veut le présenter.

À la mort de Victor, l’auteure a voulu raconter son histoire. Pour ce faire, elle s’est rendue sur les terres d’enfance de Victor, dans une Lorraine plane et lugubre. Le récit de son voyage à rebours du passé s’agrémente des souvenirs qu’elle a recueillis auprès de Victor, des textes qu’elle a lus et des souvenirs qu’elle imagine. Le destin de cet homme est marqué par un poids qui semble trop lourd à secouer. « Une sentence semblait déjà peser sur toi, cette sorte de discrimination qui jette les gens dans le mauvais camp, et que tout un système y maintient. » (p. 60) Mais Victor Dojlida n’a pas laissé les camps, ni les prisons le briser : si ses actes sont condamnables, sa révolte est noble et digne.

Victor Dojlida est une victime à perpétuité des camps de la mort et d’un État français complaisant avec l’ennemi. « De tes voyages dans la nuit et le brouillard, tu reviendras meurtri et rempli d’une immense colère. » (p. 85) Certes, il n’est pas mort comme des millions d’autres moins chanceux que lui, mais où est la chance quand la justice porte une robe amidonnée pour cacher un uniforme de milicien ?

Admirez le choix de la préposition : Victor Dojlida n’a pas vécu une vie à l’ombre, mais dans l’ombre. La préposition obère la honte de la détention et présente l’homme dont on a retranché la vie derrière des grilles iniques. Je ne saurais trop vous conseiller la lecture de ce texte réédité, très court. La quatrième de couverture, comme souvent sur les livres éditions Wespieser, est trop bavarde : ne lisez que le premier paragraphe – et encore ! – et plongez dans le récit de Michèle Lesbre. D’une plume à la fois affectueuse et poétique, elle trace le portrait d’un homme dont on sent qu’il était un ami.

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La tour sombre – Tome 3 : Terres perdues

Tome 1 : Le pistolero – Tome 2 : Les trois cartes

Roman de Stephen King.

Roland de Gilead, Eddie et Susannah errent dans l’Entre-Deux-Mondes. Roland forme ses compagnons à devenir des pistoleros : ce n’est qu’ainsi qu’ils pourront se défendre et survivre dans ce monde étrange et hostile. « Un pistolero n’était-il pas un faucon humain entraîné à mordre sur commande ? » (p. 21) Mais dans deux mondes différents, Roland et Jake souffrent du même mal. Jake, c’est le garçon que le pistolero a dû sacrifier à la fin du premier tome pour rejoindre l’homme en noir. Mais Roland a ensuite sauvé le garçon en tuant son assassin.  Le pistolero et le garçon sont donc torturés par des souvenirs d’évènements qui ont eu lieu et d’évènements qui n’ont pas eu lieu. Pour réconcilier ces deux réalités paradoxales qui déchirent leurs esprits, Jake doit rejoindre Roland dans son monde. Et ce ne sera possible que si Eddie parvient à surmonter ses propres souvenirs, à oublier son frère et à créer la clé qui ouvrira une porte entre les mondes.

On apprend que la Tour sombre est au centre de portails et que des Rayons les relient. En suivant le sentier du Rayon, Roland et ses compagnons savent devoir trouver enfin l’objet de leur quête. « Nous sommes un ka-tet […]. En d’autres termes, un groupe d’individus liés par le destin. […] Chaque membre d’un ka-tet est semblable à une pièce de puzzle. Prise isolément, chacune est un mystère, mais une fois assemblées, toutes forment une image… ou une partie d’image. » (p. 349) La route est encore longue et les Terres perdues sont immenses. Quand Lud, étrange cité de verre et de béton, se profile à l’horizon, un sourd pressentiment dit à la troupe de passer outre. Mais le destin de ce ka-tet est justement de traverser la ville et d’affronter ses épreuves. Chaque membre du groupe aura son rôle et sa force, même Ote le bafouilleux, petit animal qui s’est profondément attaché à Jake. Et dans l’accomplissement de ce destin extraordinaire, un livre d’enfant et un livre de devinettes peuvent faire toute la différence.

La Tour sombre, si menaçante dans son absence, n’est pas le danger premier. Pour l’instant, Roland et ses compagnons pistoleros doivent survivre aux Terres perdues. « Il faut que nous soyons protégés. Parce que les Terres perdues sont poison. » (p. 386) La suite au prochain volume ! Je suis toujours aussi enthousiaste et j’ai hâte de savoir ce qu’il va advenir des ces chevaliers d’un autre monde !

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Billevesée du dimanche #59

Zeuxis est un peintre grec réputé pour ses peintures qui faisaient illusion. On raconte qu’il peignit une grappe si ressemblante que des oiseaux vinrent picorer son tableau.

Savez-vous comment est mort Zeuxis ? La légende raconte qu’il serait mort de rire en réalisant le portrait d’une vieille femme. Pourquoi ? Nul ne le sait…

Alors, billevesée ?

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La veuve Couderc

Roman de Georges Simenon.

Un samedi, le bus qui va vers Montluçon embarque un jeune homme sans bagage. Au milieu de ses paniers, la veuve Couderc le remarque immédiatement. Ces deux-là n’ont certainement rien de commun, si ce n’est une solitude trop lourde à porter. Et quand la veuve descend du bus, l’homme la suit. Il s’appelle Jean, il a 28 ans, il sort de prison. La veuve Couderc a 45 ans et elle tient seule la maison où elle est entrée gamine comme servante. Après la mort de son époux, le fils de la maison, elle a continué à travailler et à s’occuper de tout, notamment du vieux Couderc.

Sans hésiter, la veuve Couderc, que tout le monde appelle Tati, fait entrer Jean chez elle et lui confie de l’ouvrage. Elle lui ouvre aussi son lit. « Elle l’enveloppait de son regard. Elle prenait possession de lui. Elle n’avait pas peur. Elle tenait à lui faire comprendre qu’elle n’avait pas peur de lui. » Tati n’a pas froid aux yeux et elle sait défendre ses intérêts contre les filles de la maison. Bien que mariées et installées ailleurs, elles crèvent de rage de voir une étrangère régner sur la propriété familiale. Mais Tati a gagné ce droit à force de labeur. Amélie et Françoise, ses belles-sœurs, ont affaire à plus forte partie qu’elles.

Tati n’a peur de rien. « Ce n’est pas un homme qui capable de me faire peur… » Pas un homme, non. Mais une femme peut-être, ou plutôt une fille, presque une gamine. Félicie, sa nièce, est trop jolie et trop peu farouche. Tati se sait vieille, plutôt laide, mais elle veut croire que Jean ne partira pas et qu’il ne touchera pas à la fille. Et comme les œufs mis en couveuse au grenier, il y a quelque chose qui se prépare sourdement à mesure que Jean est rattrapé par ses souvenirs et par une terreur certaine de la justice.

Une fois n’est pas coutume, je suis venue à ce livre par le film de Pierre Granier-Deferre avec Simone Signoret et Alain Delon dans les rôles principaux. L’adaptation est bien éloignée du roman puisque Jean est présenté comme un fugitif qui se cache des forces de l’ordre. La fin est également différente puisque la mort n’est pas octroyée de la même main (et  je n’en dirai pas plus !) Georges Simenon présente un personnage masculin rêveur et détaché qui m’a rappelé le Meursault de Camus. Le roman comme le film sont deux très beaux morceaux noirs sur fond de paysannerie avare.

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Daytripper – Au jour le jour

Roman graphique des frères Fabio Moon et Gabriel Ba.

Bras de Oliva Domingos écrit pour la rubrique nécrologique d’un grand quotidien de Sao Paulo. Alors qu’il écrit les morts des autres, il ne parvient pas à écrire sa propre histoire, à devenir l’écrivain qui sommeille en lui. Son plus grand handicap, croit-il, est la figure écrasante de son père. Malédiction ou héritage ? C’est que la suite de l’histoire dira.

L’histoire, parlons-en. De sa structure surtout. Il y a dix chapitres qui présentent Bras à différents âges et sans chronologie. Si on connaît la fin de l’histoire dès le premier chapitre, c’est en lisant les autres, à rebrousse temps et à contre temps, que l’on embrasse toute la vie et toute la mort de Bras de Oliva Domingos. Si on peut avoir une infinité de vies, pourquoi n’aurait-on pas aussi une infinité de morts et autant de chances de tout recommencer ? Parce que là où une vie s’arrête, il y a une chance qu’une mort en devenir commence. « Et la mort, ça vous donne une autre perspective sur la vie et tout le reste… Tout le reste semble sans importance. » (p. 91) Chaque chapitre s’achève sur des nécrologies, mais ce qui est époustouflant, c’est qu’elles ne marquent pas seulement la fin (de la vie ou du chapitre) : elles aident ceux qui restent à continuer.

D’un chapitre à l’autre, les auteurs proposent des réflexions fines et bouleversantes sur la famille, entité qui ne se conçoit qu’avec des bonheurs et des malheurs. Bras doit faire sa place face à son père et à sa mère, puis face à sa femme et son fils. Une famille, c’est à la fois la vie et la mort, c’est un long récit. « La vie est comme un livre, fils. Et tous les livres ont une fin. Peu importe combien tu aimes ce livre, tu arriveras à la dernière page et ce sera fini. Aucun livre n’est complet sans une fin. » (p. 214) Et puis, il y a ce rêve qui tient tout le neuvième chapitre : entre synopsis et conclusion, ce chapitre particulier nous donne les clés et d’autres portes pour comprendre la vie de Bras.

Bras de Oliva Domingos est donc un fils, un époux, un père et un homme. Et il concentre toutes ses facettes dans son être d’écrivain : fondamentalement, viscéralement, l’essence de Bras est nourrie d’écriture. À mesure qu’il trace sa voie, qu’il trouve sa voix, tous les destins qui sont les siens se rejoignent. Et c’est tout l’art de Fabio Moon et Gabriel Ba que de tisser cette histoire mine de rien et de poser des jalons  qui finiront par former un chemin.

Que dire du dessin, si ce n’est WAHOO ! Les couleurs sont puissantes, profondes, vibrantes et incroyablement dynamiques. C’est beau, tout simplement beau !

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L’homme qui rit

Roman de Victor Hugo.

Résumer cet énorme roman est chose impossible ! Disons simplement que Gwynplaine est un enfant abandonné. Une froide nuit d’hiver, il a sauvé un bébé. Depuis, Dea et lui sont inséparables et tendrement unis. Mais le passé de Gwynplaine va le rattraper : l’homme sans cesse moqué va se voir offrir une toute autre vie, pleine d’honneur. Reste à savoir s’il en voudra.

Pourquoi est-il moqué ? Il faut vous dire que Gwynplaine est un homme défiguré. « La nature avait été prodigue de ses bienfaits envers Gwynplaine. Elle lui avait donné une bouche s’ouvrant jusqu’aux oreilles, des oreilles se repliant jusqu’au nez, un nez informe fait pour l’oscillement des lunettes de grimacier et un visage qu’on ne pouvait pas regarder sans rire. » (p. 349) Au 17e siècle, le commerce des enfants allait bon train et était encore plus lucratif quand la marchandise était défigurée pour créer de vilains bouffons. « Cela faisait des êtres dont la loi d’existence était monstrueusement simple : permission de souffrir, ordre d’amuser. » (p. 81) Gwynplaine est l’Homme qui rit : il arbore à jamais un sourire figé, taillé dans sa propre chair. « Vous masquer à jamais avec votre propre visage, rien n’est plus ingénieux ? » (p. 85) Dès qu’il apparaît, la foule éclate de rire devant son visage contrefait.

Il faut aussi vous dire que Dea est aveugle. Cette infirmité non défigurante la coupe du monde, mais lui ouvre le cœur. Pour elle, Gwynplaine est unique, parfait, absolument beau. Et Gwynplaine est à genoux devant la beauté parfaite de Dea. Entre celui qu’il ne faudrait pas voir et celle qui ne voit pas, l’amour dépasse le visible.

Mais il faudrait aussi vous parler d’Ursus et Homo, un philosophe et un loup. Présentés dans le premier chapitre, ils semblent être des personnages légendaires, mais sont finalement bien réels. Il ne faut pas oublier les naufragés de l’ourque et la bouteille qu’ils ont jetée dans l’océan furieux. Et n’oublions pas Lord Clancharlie, Lord David Dirry-Moir, Lady Josiane et la reine Anne. Et aussi Barkilphedro, à la fois espion et déboucheur des flacons rejetés sur les rivages.

Gwynplaine est un personnage éminemment pathétique en ce qu’il attire la compassion. Défiguré pour faire la fortune de ses maîtres et le plaisir de la foule,  il est une marionnette consciente. Le rictus figé dans sa chair est sa ressource et sa malédiction. « Il y a du consentement dans le sourire, tandis que le rire est souvent un refus. » (p. 77) « Seulement, le rire est-il synonyme de la joie ? » (p. 349) Quand Victor Hugo s’interroge sur des traditions passées, il donne un avis qui se prétend objectif, mais qui est évidemment tranché.

Le texte de Victor Hugo est un roman historique, d’amour et de cape et d’épée. Les longs développements historiques liminaires font montre du grand savoir de l’auteur, mais également de sa maîtrise du récit. Tous les faits et toute cette matière historique sur l’Angleterre se mettent en place et se tiennent. « À tout fait se rattache un engrenage. » (p. 530) L’homme qui rit est une fabuleuse cornu copia littéraire, mais également un roman un peu fou. Par ailleurs, Victor Hugo ne se contente pas de parler de l’Angleterre ou de renvoyer à l’histoire française ou antique : il ironise souvent et critique sans vergogne. Sous sa plume, le sarcasme est érudit et les anecdotes historiques illustrent à merveille ce qui peut aussi se lire comme un virulent traité politique et social.

L’homme qui rit est un pavé, mais c’est un chef-d’œuvre ! Oubliez le nombre de pages et laissez vous prendre à l’étrange sourire de Gwynplaine. J’ai manqué les projections de la dernière adaptation cinématographique, mais ça ne me désole pas tant que ça. Je trouvais l’acteur choisi pour incarner Gwynplaine bien trop jeune premier pour ce rôle : reportez-vous à la description qu’Hugo fait de son personnage et vous comprendrez.

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Billevesée du dimanche #58

Aujourd’hui, révision des figures de styles ! En voici une que je n’ai JAMAIS réussi à placer dans un devoir et ce ne fut pas faute de chercher : je vous présente l’aposiopèse. D’après l’ami wikipédia, c’est une figure de style qui consiste à suspendre le sens d’une phrase en laissant au lecteur le soin de la compléter. On la remarque notamment par une ponctuation et une typographie spécifiques, comme les points de suspension.

À défaut d’avoir compris quelque chose à cette billevesée, vous pouvez aussi essayer de répéter ce mot à tout vitesse autant de fois que possible.

Alors, billevesée ?

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La tour sombre – Tome 2 : Les trois cartes

Tome 1 : Le pistolero

Roman de Stephen King.

À la fin du tome précédent, nous avons laissé le pistolero sur la grève de la Mer Occidentale. Épuisé, il s’est endormi sans savoir que les eaux allaient lâcher sur lui des monstres plein de questions. Blessé, amputé et empoisonné, Roland le pistolero envisage son avenir sans espoir. Mais qu’en est-il des trois cartes que l’homme en noir a tirées de son funeste tarot ? Il a prédit trois rencontres à Roland : le Prisonnier, la Dame d’ombres et la Mort. À chacune de ces cartes correspond une porte vers un autre monde.

La première porte s’ouvre sur Eddie, un junkie en fâcheuse position. Roland l’entraîne sur la grève de la Mer Occidentale. « Bon, maintenant, j’emmène cette porte partout avec moi […] et Eddie aussi. Elle nous accompagne comme une malédiction dont on ne pourrait se débarrasser. » (p. 120) Roland poursuit sa route vers la deuxième porte et celle-ci s’ouvre sur Odetta Holmes et Detta Walker, deux femmes qui n’en sont qu’une. Elles aussi entrent dans le monde du pistolero. Et l’étrange équipée avance vers la dernière porte, celle qui dont dépend la vie de Roland. Quand elle s’ouvre sur Jack Mort, la mort de Jake et les accidents d’Odetta Holmes prennent tout leur sens. Mais ces trois portes ne sont nullement le bout de la quête du pistolero : la Tour sombre est encore loin et rien ne saurait empêcher Roland de la rejoindre.

Roland le pistolero est un chevalier d’un âge nouveau : il répond à un code d’honneur ancestral et exigeant. « Je me suis damné pour mon devoir. » (p. 126) S’il ne peut oublier sa responsabilité dans la mort de Jake, il est prêt à tout pour atteindre enfin la Tour sombre, sinistre fanal dans un monde dont le sens échappe sans cesse. « Il s’agit peut-être d’une sorte de cheville. Un pivot central maintenant ensemble tous les plans de l’existence. Tous les temps, toutes les dimensions. » (p. 190)

Le deuxième tome du cycle de La Tour sombre esquisse plus de questions que de réponses et le lecteur ne peut que repartir en quête aux côtés de Roland. Si le récit est ouvertement fantastique avec ses passages entre les mondes, il résonne également des accents d’un engagement que l’on suppose être celui de l’auteur. En filigrane, guerre du Vietnam et ségrégation sont pointées du doigt : à l’aune de l’honneur que l’auteur prête à Roland, la valeur d’une vie innocente ne saurait se soumettre aux idéaux viciés d’un monde, aussi immense soit-il. Il me tarde de lire la suite des aventures de Roland et d’Eddie.

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Dictionnaire indispensable et commenté des insultes, surnoms et autres expressions […]

TITRE COMPLET : Dictionnaire indispensable et commenté des insultes, surnoms et autres expressions à l’usage des lecteurs érudits de La chair de la salamandre et de L’assassinat du mort

Dictionnaire de Jean-Louis Marteil et de quelques doux dingues de son entourage (Y paraît même que j’en fais partie. Vous me trouverez parmi les furies.)

Tout est dans le titre qui est vachement long, me direz-vous. Ignares ! Fainéants ! Jean-Foutre ! Comme si un titre faisait le moine ! Oui, c’est un dictionnaire puisque l’auteur a eu l’extrême rigueur intellectuelle de ranger ses entrées de A à Z, même s’il saute des lettres. Mais c’est loin d’être seulement un dictionnaire ! Vous pensez vraiment que Robert et Littré se seraient cassé la nouille à compiler et à expliquer les mots et les expressions d’un langage plus vert que les culottes des Irlandais ?

Voyons l’avertissement de l’éditeur : « Ce Dictionnaire indispensable est un petit cadeau destiné d’une part aux libraires et aux lecteurs familiers des romans historiques de Jean-Louis Marteil, d’autre part aux libraires et aux lecteurs non-familiers (mais forcément appelés à le devenir). Les premiers ne seront pas surpris par le ton décalé de ce dictionnaire et ils s’en amuseront sans doute beaucoup. Les seconds ne doivent pas s’inquiéter des mêmes causes, car elles produisent les mêmes effets : La chair de la Salamandre et L’assassinat du mort ne sont pas un catalogue d’insultes et de jurons médiévaux. Il s’agit bien de polars historiques très respectueux de la période évoquée, et ce Dictionnaire permet alors de deviner, voire de pressentir, l’esprit facétieux (pour le moins) qui a présidé à leur rédaction. » (p. 4)

Ce fameux dictionnaire présente un langage qui relève conjointement de la faune et de la flore : entre noms d’oiseaux et termes fleuris, gare au quidam qui se trouve dans la ligne de mire de l’auteur de La chair de la salamandre et de L’assassinat du mort ! Il a toutes les chances de se voir affublé d’un sobriquet. En son temps, Flaubert le gueulard a commis un savoureux Dictionnaire des idées reçues. Qu’à cela ne tienne, Jean-Louis Marteil et sa clique marqueront l’histoire avec un dictionnaire politiquement très incorrect, mais foutrement drôle.

Quelques extraits pour la bonne bouche :

« Charognard : nom d’oiseau… ou pas. » (p. 6)

« Cruche (pauvre) : tant va à l’eau qu’à la fin… on est soulagé qu’elle se casse de là. » (p. 8)

« Tête d’ail : se dit d’une personne chez qui il faut enlever les nombreuses couches de pensées superficielles pour s’apercevoir que le germe même des pensées est indigeste. » (p. 13)

Ça vous a fait marrer ? Un bon point ! Maintenant, pour rester dans mes petits papiers et dans ceux de mon pote Jean-Louis, il faut lire les romans de l’auteur : La chair de la salamandre et la trilogie de La relique. Prenez vos tablettes et notez que L’assassinat du mort paraîtra le 27 mars dans toutes les bonnes librairies. Je l’ai déjà lu et je peux vous dire que ça dépote ! En attendant, vous pouvez lire le premier chapitre sur le site de l’éditeur et vous trouverez aussi la version numérique du dictionnaire. Elle est pas belle la vie ?! Surtout que le dico est gratuit ! Le seul effort à faire, c’est de le télécharger (parce qu’il ne sera diffusé pas en librairie) : alors, on se remue !

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Earl & Mooch – Mon maître, ce héros

Bande dessinée de Patrick McDonnell.

Earl est un chien, Mooch est un chat : ces deux-là sont copains comme cochons. Leurs maîtres, un peu moins. Earl adore son maître, son Ozzie comme il l’appelle. Mooch, ce qu’il aime, c’est surtout manger et trouver un coin où piquer un roupillon. S’il devait avoir une devise, ce serait : « Là où il y a des genoux, il y a de l’espoir. » (p. 63)

Les deux animaux de compagnie passent leur temps ensemble dans le jardin à écouter les oiseaux chanter ou à se promener. Ils aiment aussi la charcuterie de Butchie, même si rien ne tombe jamais de l’étal, à leur grand désarroi et en dépit de leurs manigances.

Earl et Mooch sont de vrais copains, parfois un peu potaches, mais toujours fidèles. Mooch est cynique, Earl a des goûts simples. Ils font la paire et ils n’aiment pas rester éloignés trop longtemps l’un de l’autre, au point de courir après la première silhouette vaguement ressemblante. « La vie pue. / Beeuh, Earl ! C’est quoi cette odeur !? / J’ai été agressé par un putois. […] / Les putois ! Je les hais ! Ils puent… Ils sont idiots… ! Comment as-tu pu seulement t’en approcher !? / J’ai cru que c’était toi… / Il était mignon, c’est ça ? » (p. 19)

Sous la forme de strips ou de pages entières, c’est avec un plaisir immense que j’ai découvert ce mignon cabot et ce matou filou. L’humour de cette bande dessinée rappelle celui de la série Calvin et Hobbes : c’est à la fois tendre, grave et loufoque. Voilà une série d’albums que je recommande aux jeunes lecteurs et aux amateurs d’humour canin et félin !

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Avant toi

Roman de Jojo Moyes. À paraître le 22 mars 2013.

Quand Louisa Clark, 27 ans, apprend que le café où elle travaille est sur le point der fermer, elle est vraiment inquiète. Sa famille ne roule pas sur l’or et la crise bat son plein. Alors, quand on lui propose de tenir compagnie un tétraplégique pendant 6 mois, elle surmonte ses réserves et ses craintes et elle accepte le poste. Louisa est plutôt enjouée, bavarde et originale. Mais face à Will Traynor, elle est démunie. Le jeune homme est amer, voire hostile. « Vous savez, on n’est d’aucune utilité à quelqu’un qui ne veut pas être aidé. » (p. 75)

À force de patience, Louisa se rapproche de Will et l’invalide accepte la jeune femme dans son environnement. Jusqu’au jour où Louisa apprend que Will a prévu de mourir. Elle sait qu’elle n’a que quelques mois pour le faire changer d’avis. « J’avais cent dix-sept jours devant moi pour trouver à Will Traynor une bonne raison de vivre. » (p. 182) De sorties en discussions, Louisa se persuade qu’elle peut redonner le goût de vivre à un handicapé ravagé par les douleurs. Rien ne dit qu’elle y parviendra. « Qui étais-je pour lui dire comment il voulait vivre ? » (p. 217) Et de son côté, Will espère que son aide soignante prendra conscience de son potentiel et qu’elle commencera à vivre, enfin.

Le récit est tenu par Louisa. Parfois, un proche de Will prend la parole le temps d’un chapitre et donne un éclairage nouveau sur la situation désespéré de cet homme en fauteuil. En lisant la quatrième de couverture, j’ai craint une version brittish du film Intouchable. Passées les cent premières pages, cette crainte avait disparu pour laisser place au seul roman de Jojo Moyes. N’attendez pas de miracle, sous aucune forme et même pas celui de l’amour. Avant toi est le récit d’un changement, mais reste à savoir qui change qui. Avec finesse, sensibilité et humanité, Jojo Moyes parle de douleur et d’espoir, mais elle évoque aussi le handicap et la mort assistée avec lucidité et honnêteté.

Je n’ai pas pu lâcher ce roman après l’avoir ouvert : les presque 500 pages se sont tournées toutes seules à mesure que l’émotion grandissait. Certes, la plume de Jojo Moyes n’est pas ébouriffante, mais ne vous y fiez pas : Avant toi n’est pas une lecture facile. Dans un sens, elle confronte chaque lecteur à ses choix de vie et aux limites qu’il se pose. Si histoire d’amour il y a, elle n’est pas celle des contes de fée. Mais elle est bien plus belle parce qu’elle est réelle et qu’elle se heurte à des obstacles plus puissants que l’amour.

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Billevesée du dimanche #57

Avec ce froid qui n’en finit pas, c’est l’heure de sortir les recettes qui tiennent au corps !

Les agents de l’Inspection générale de la police nationale sont surnommés les bœufs-carottes parce qu’ils sont réputés pour « cuisiner » longtemps les personnes interrogées par leurs soins. Et tout le monde sait que les plats en sauce sont toujours meilleurs quand ils ont mijoté pendant des heures.

Il existe une autre explication pour cette expression. Un policier passé entre les mains de l’IGPN, s’il est reconnu coupable, est donc démis de ses fonctions. Sans emploi et donc sans ressources financières, son seul menu serait du bœuf aux carottes, un plat supposé peu onéreux. Mais je ne suis pas certaine que ce sens soit adapté à notre société : vous avez vu le prix des légumes ??

Alors, billevesée ?

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