Roman de John Updike.
Ancienne gloire du basket lycéen, Harry Angstrom, dit Rabbit, étouffe entre son emploi de démonstrateur de produits ménagers et de son épouse Janice, enceinte et trop portée sur la bouteille. Un soir, il prend sa voiture décidé à rejoindre le sud du pays. « Il n’a pas l’intention de jamais revoir Brewer, cette ville pot-de-fleur!. » (p. 32) Mais arrivé en Virginie, il revient à Brewer, mais ne rentre pas chez lui. « Quand on a excellé dans quelque chose, quoi que soit, ça ne vous amuse plus d’être un type de second ordre. Et notre mariage, à Janice et à moi, je vous assure que c’était vraiment de second ordre. » (p. 122) Il retrouve son coach de basket et rencontre grâce à lui Ruth, prostituée un peu paumée. Ils vivent à la colle plusieurs mois, mais à l’approche de l’accouchement de Janice, Rabbit veut reprendre le droit chemin, aidé par le révérend Eccles qui prêche sûrement mieux sur un green que sur sa chaire. Eccles est persuadé que « Harry valait la peine d’être sauvé et pouvait être sauvé. » (p. 188) Mais le principal intéressé, qu’en pense-t-il ?
Rabbit fuit quelque chose. On ne sait pas vraiment quoi : la médiocrité, un mariage trop rapide, une vie sans saveur, le quotidien, … Il cherche quelque chose. Là non plus, on se sait pas vraiment quoi. Est-ce l’amour, la reconnaissance, la gloire, la foi ou la liberté ? D’un conseil à un autre, il se fuit lui-même et ne se rattrape jamais. « La seule façon d’aller quelque part, vous savez, c’est de savoir où l’on va avant de partir. » (p. 37) Rabbit pense plutôt que « la seule façon d’aller quelque part, c’est de décider où l’on va et d’y aller. » (p. 44) Peu importe, Rabbit n’arrive nulle part, mais ça ne l’empêche de courir jusqu’à en perdre haleine.
Rabbit se cogne aux murs de son existence, se cogne aux autres, se cogne à la morale et au qu’en-dira-t-on. Traversé de fugaces révélations qui le laissent plus perplexe et désemparé que jamais, il est incapable de partager ses pensées et ses désirs. Une fois tâché du sceau de l’adultère, il fait porter sur ses relations amoureuses la marque de l’infamie et du doute. Pourtant, Rabbit est avide de vérité et de connaissance. Il ne les trouve pas auprès des autres, alors il les cherche partout : « Les faubourgs s’étendent comme des écharpes. Mais la ville est immense au milieu, et il ouvre les lèvres comme pour forcer les lèvres de son âme à percevoir le goût de la vérité, comme si la vérité était un secret tellement dilué que seule l’immensité peut nous en donner un goût perceptible. » (p. 129 & 130)
Sans être déplaisante, cette lecture me laisse un sentiment négatif. Rabbit est un personnage bien construit, mais bien trop complexe. Je suppose qu’il faut lire la suite de ses tribulations pour percer son mystère. Mais ce premier volet de ses aventures m’a suffit. Le style d’Updike, qui m’avait ravie dans Les sorcières d’Eastwick, m’a particulièrement ennuyée ici. Sans me faire violence pour continuer la lecture, je n’étais pas impatiente de retrouver Rabbit et son doute existentiel. Ce faux mystique parfaitement terre-à-terre m’a profondément agacée. Voilà, Rabbit, tu es passé à la casserole !