Certaines n’avaient jamais vu la mer

Roman de Julie Otsuka.

Au début du 20e siècle, des Japonaises quittent leur pays pour rejoindre leurs fiancés en Amérique. Elles ne connaissent de ces hommes que des photos et quelques lettres. Toutes espèrent trouver une vie meilleure auprès d’époux qui ont réussi sur le nouveau continent. « Sur le bateau, nous étions dans l’ensemble des jeunes filles accomplies, persuadées que nous ferions de bonnes épouses. »(p. 14) Après une éprouvante traversée, les fiancées découvrent leur promis. Au terme de la première nuit qui scelle les couples et les destins, beaucoup d’espoirs et de promesses se seront envolés. « En secret, nous espérions toutes être sauvées. » (p. 41)

Toutes ces femmes immigrées découvrent une vie plus misérable que celle qu’elles ont laissée. Elles triment dans les champs ou s’humilient au service des Américains. Il est leur difficile de s’intégrer dans ce pays si différent. « L’une des nôtres les rendait responsables de tout et souhaitait qu’ils meurent. L’une des nôtres les rendait responsables de tout et souhaitait mourir. D’autres apprenaient à vivre sans penser à eux. » (p. 47) Dans les lettres qu’elles envoient à leurs mères et à leurs proches, la plume est honteuse. Que faut-il dire ? Que faut-il taire ? Faut-il mentir et enjoliver des existences qui ne ressemblent pas aux promesses qu’elles ont aveuglément suivies ?

Ces femmes, souvent négligées par leur époux, goutent une autre douleur quand leurs enfants s’éloignent de la culture de leurs ancêtres et font tout pour être assimilés. Hélas, la guerre viendra balayer tous les efforts. Les Japonais sont les ennemis, qu’ils soient ou non nés sur le sol américain. L’exode reprend pour ne jamais finir, ou tragiquement. Le bateau de tous les espoirs n’était finalement qu’une barque de Charon qui emmenait ces femmes et leurs avenirs dans une traversée vers une rive dont on ne revient pas.

La particularité de ce roman est sa narration. C’est un « nous » qui porte tout le récit. On ne s’attache à aucun destin particulier, mais on entraperçoit des bribes d’existences. Ce roman choral exprime une douleur commune. Hélas, la troublante mélopée devient peu à peu litanie et généralité. Enfin, le titre est français est terriblement réducteur et ne traduit que les premières pages. Le titre original est bien plus explicite : The Buddha in the Attic évoque une culture qui recule, que l’on relègue dans l’oubli ou dans la honte. Finalement, ce roman est un bel hommage à des milliers de destins sacrifiés, mais j’ai quelques réserves sur sa forme.

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