Victor Dojlida, une vie dans l’ombre

Texte de Michèle Lesbre.

L’auteure rend hommage à Victor Dojdila, fils d’immigrés polonais qui a passé quarante ans dans les prisons françaises pour un geste malheureux qui hurlait sa colère. Tout ce que voulait Victor, c’était obtenir réparation pour les années passées à Dachau. « Nous avons été bouleversés par cette hargne qui te poussait à vouloir régler tes comptes, jusqu’au bout, jusque dans tes derniers jours. » (p. 12) Victor n’était pas un saint et ce n’est certainement pas ainsi que Michèle Lesbre veut le présenter.

À la mort de Victor, l’auteure a voulu raconter son histoire. Pour ce faire, elle s’est rendue sur les terres d’enfance de Victor, dans une Lorraine plane et lugubre. Le récit de son voyage à rebours du passé s’agrémente des souvenirs qu’elle a recueillis auprès de Victor, des textes qu’elle a lus et des souvenirs qu’elle imagine. Le destin de cet homme est marqué par un poids qui semble trop lourd à secouer. « Une sentence semblait déjà peser sur toi, cette sorte de discrimination qui jette les gens dans le mauvais camp, et que tout un système y maintient. » (p. 60) Mais Victor Dojlida n’a pas laissé les camps, ni les prisons le briser : si ses actes sont condamnables, sa révolte est noble et digne.

Victor Dojlida est une victime à perpétuité des camps de la mort et d’un État français complaisant avec l’ennemi. « De tes voyages dans la nuit et le brouillard, tu reviendras meurtri et rempli d’une immense colère. » (p. 85) Certes, il n’est pas mort comme des millions d’autres moins chanceux que lui, mais où est la chance quand la justice porte une robe amidonnée pour cacher un uniforme de milicien ?

Admirez le choix de la préposition : Victor Dojlida n’a pas vécu une vie à l’ombre, mais dans l’ombre. La préposition obère la honte de la détention et présente l’homme dont on a retranché la vie derrière des grilles iniques. Je ne saurais trop vous conseiller la lecture de ce texte réédité, très court. La quatrième de couverture, comme souvent sur les livres éditions Wespieser, est trop bavarde : ne lisez que le premier paragraphe – et encore ! – et plongez dans le récit de Michèle Lesbre. D’une plume à la fois affectueuse et poétique, elle trace le portrait d’un homme dont on sent qu’il était un ami.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.