Dans la lumière

Kingsolver_Dans la lumière

Roman de Barbara Kingsolver.

Tout commence avec Dellarobia, une femme qui s’apprête à tromper son mari, ce qui devrait bouleverser sa vie. Mais c’est autre chose qui renverse son quotidien. « Elle était redescendue de cette montagne tellement sûre qu’il y avait quelque chose de nouveau à voir. » (p. 63) En un instant, la forêt s’est mise à flamboyer, envahie par des milliers de papillons qui ont perdu leur chemin. Au lieu d’atterrir au Mexique comme les autres années, c’est toute une génération de monarques qui s’accroche aux arbres de la forêt des Appalaches. « Ils sont beaux. […] Les choses terribles ont parfois de la beauté. » (p. 193) Cette bizarrerie naturelle, si merveilleusement belle, est annonciatrice de changements dangereux : en effet, si les papillons ont perdu leur chemin, c’est que quelque chose les a perturbés et rien ne dit que le reste de la nature n’est pas également profondément bouleversée. « Les hommes sont amoureux de l’idée que nous allons durer. Nous la fétichisons, en vérité. [..] Je suis un docteur des systèmes naturels. Et ce que je vois me paraît terminal. » (p. 364)

Du jour au lendemain, les yeux et les caméras du monde entier sont braqués sur une pauvre bourgade de l’Amérique rurale. Pour certains, l’arrivée des papillons est un signe divin, annonciateur de l’avènement d’un nouveau prophète. Pour d’autres, c’est un enjeu environnemental majeur qui relance les débats sur le changement climatique. D’autres encore y voient la possibilité de faire des profits et qu’importe si la consommation détruit le produit dont elle se nourrit.

Dellarobia est la flamboyante héroïne de ce roman. Elle n’est pas heureuse et son mariage avec Cub est depuis toujours un échec que rien ne justifie. Elle fait de son mieux pour bien élever ses deux enfants, mais ne cesse de se faire des reproches. « Elle se faisait l’effet d’une femme lapidée pour avoir commis le péché d’être mère. » (p. 167) Rudoyée par sa belle-mère Hester, une femme sèche et tyrannique, Dellarobia est comme un papillon emprisonné sous un verre renversé, se cognant sans cesse aux parois et s’épuisant dans sa volonté de fuir. Mais, à l’instar d’une chrysalide, Dellarobia va déployer ses ailes grâce à l’arrivée des monarques, d’abord en travaillant avec le Dr Ovid Byron, puis en affrontant enfin ses remords et ses peines. « Les affronts qu’elle avait toujours avalés comme une ration quotidienne de cailloux se mettaient à lui remonter dans la bouche et à en jaillir telles des grenouilles. » (p. 36) Dellarobia possède une vision plus large et plus profonde du monde et va enfin oser sortir de la vie étriquée dans laquelle elle n’a jamais eu sa place.

J’ai beaucoup aimé ce roman et la vision qu’il porte sur un monde où la consommation prétend être la voie du bonheur. Seul bémol, la longueur des discussions entre Dellarobia et d’autres personnages : sur la fin, le texte devenait bavard, pour ne pas dire verbeux. Mais j’ai été séduite par le style de Barbara Kingsolver, très fin et précis : l’auteure ne se trompe jamais de mot et sait parfaitement développer une idée.

Ce contenu a été publié dans Mon Alexandrie, avec comme mot(s)-clé(s) . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.