Le bruit des trousseaux

Texte de Philippe Claudel.

Pendant plusieurs années, l’auteur a été professeur de français en maison d’arrêt. En peu de pages, en peu de mots, dans des phrases courtes et pudiques, il raconte les relations avec les détenus et les gardiens, ses réflexions sur son engagement auprès de la population carcérale. « Moi-même, que suis-je venu faire en prison pendant si longtemps, sinon acheter à crédit ma part de sommeil du juste ? » (p. 56) Il interroge ses motivations, ne cache pas la fatigue qui, à la longue, a usé sa volonté d’aider. L’auteur ne fait pas de grands discours et préfère la description à la démonstration. Il dit clairement qu’il ne sait pas tout et que son texte n’est ni un récit, ni un journal. C’est peut-être une déposition, en tout cas un témoignage pas tout à fait complet. « Et puis, ce qui alourdit mon faux témoignage, c’est que je n’ai connu la prison que d’un seul côté. » (p. 116)

Navigant entre le dedans et le dehors, Philippe Claudel n’est cependant pas le chaînon manquant entre la prison et le monde libre. Ces deux mondes sont cloisonnés : si la première rêve du second, le second fait de son mieux pour ignorer la première. Et l’auteur ne peut pas prétendre qu’il comprend ce qui se passe entre les murs et derrière les barreaux. « Mon temps terminé, je sortais de la prison. Je ne sortais pas de prison. Jamais je n’ai senti aussi intensément dans la langue l’immense perspective ouverte ou fermée selon la présence ou l’absence d’un simple article défini. » (p. 34) Le bruit des trousseaux m’a parfois rappelé Longues peines  de Jean Teulé, mais là où ce dernier essayait de construire des histoires et des personnalités, Philippe Claudel se contente d’éclats de texte et de visages entraperçus, comme une ultime tentative d’offrir un peu d’intimité à ceux qui en sont privés.

S’il était besoin, Philippe Claudel prouve une nouvelle fois l’immense respect qu’il a pour les êtres cabossés, qu’ils soient de papier ou de chair menottée.

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