Mourir un peu

Essai de Sylvie Germain.

« Partir, dit-on, c’est mourir un peu. Mais partir d’où, pour aller où et qu’entend-on par ‘mourir un peu’ ? Comment le verbe mourir peut-il s’accommoder d’un adverbe de quantité alors qu’il désigne un évènement à chaque fois unique, définitif, absolument inquantifiable ? » (p. 9) Sur ces interrogations s’ouvre le texte de Sylvie Germain. Le mouvement est le symbole de l’existence. Partir, c’est donc mourir à soi-même et aux autres puisque le mouvement est transformation, élan, métamorphose. Seul le gisant ne peut plus mourir. Mourir, c’est ainsi devenir. Le marcheur, celui qui se meut, est en fait un mourant qui fait acte de vie. Dans cet accomplissement du vivant, il convient de célébrer les pieds, acteurs du mouvement, lien de l’homme à la terre, à la fois racines et ailes. « Le pas, la voix, le souffle – c’est la vie qui va, qui se meut, palpite. » (p. 65)

Pourquoi faut-il mourir ? Pouvons-nous l’expliquer par la présence de Dieu ? Et pouvons-nous prouver l’existence de ce dernier ? « Il nous arrive aussi de déclarer forfait face à l’imbroglio des questions restées sans réponses satisfaisantes tant elles sont contradictoires au sujet de Dieu, et de clore l’enquête en estimant l’avoir menée à son terme. » (p. 36 & 37) Qui, sinon le Christ, peut mieux incarner nos questionnements sur Dieu et sur la mort, lui qui est revenu à la vie ? « Le Christ mort, lui, espère toujours en Dieu, et il continue à le louer. […] Parce que jusque dans la mort, il demeure un vivant, un fidèle, un célébrant. » (p. 103) Pour l’auteure, c’est la foi raisonnée qui maintient la vie, autant que l’amour et le doute. Le fanatique est éloigné de Dieu et de la vie, car sa foi est figée, sans élan.

Cette poétique exégèse n’est pas un texte sur la mort, mais une réflexion sur le mouvement et la pulsion de vie : la mourance – l’acte de mourir – étant fondamentalement la mouvance et donc l’existence. Je suis bien loin de rendre un juste hommage à ce très beau texte, riche en questionnements et qui laisse au lecteur le soin de trouver ses propres réponses, mais c’est avec un plaisir non dissimulé que j’ai retrouvé la plume exigeante de Sylvie Germain. Son style imagé et profond m’enlace toujours et me porte vers les terres fécondes de la vraie littérature.

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