Tome 1 : Titus d’Enfer – Tome 2 : Gormenghast
Roman de Mervyn Peake.
Titus a profité de la confusion qui règne à Gormenghast après la terrible inondation pour quitter le château. Finelame est mort, Fuchsia est morte, la menace est morte. Tant pis. Aux orties, son titre de soixante-dix-septième comte d’Enfer ! « Tournant selon son humeur vers le nord, le sud, l’est et l’ouest, il perdit un à un tous ses repères. Disparu l’horizon de sa montagneuse demeure. Disparu le monde déchiqueté de tours. Disparu le lichen gris ; disparu le lierre noir. Disparu le labyrinthe qui alimentait ses rêves. Disparu le rituel qui fut sa nourriture première et son malheur. Disparue l’enfance. Disparue. » (p. 17) Titus veut voir si un ailleurs existe et s’il est possible de vivre ailleurs qu’à Gormenghast. Dans sa poche, il n’a qu’un silex qui lui rappelle d’où il vient. Où va-t-il ? Peu importe. « Il sait seulement qu’il a laissé derrière lui, du côté de l’horizon qui s’éloigne, quelque chose de démesuré. Quelque chose de brutal ; quelque chose de tendre. Quelque chose de mi-réel ; quelque chose de mi-rêvé. La moitié de son cœur. La moitié de lui-même. » (p. 18) Renégat et traître à sa lignée, Titus veut découvrir la vie et le monde, monde qui n’a jamais entendu parler de lui ou de Gormenghast. Après une vie de rituel figé, Titus découvre un pays de progrès plein d’inventions qui le ravissent. Il rencontre Musengroin, propriétaire d’un zoo, et la très belle Junon qui deviendra son amante. Mais dans ce pays où personne ne le connaît, il est vagabond et suspect. Comment expliquer que les lettres écrites à sa mère lui reviennent ? Gormenghast existe-t-il vraiment ? Est-il fou ? Qui est Titus, s’il n’est pas le soixante-dix-septième comte de la lignée d’enfer, héritier de l’éternel château de Gormenghast ? Il lui reste une grande leçon à apprendre : ce qu’il cherche, il le porte en lui depuis toujours. « Sur les jeunes traits de Titus était écrit quelque chose qui n’était pas jeune. Quelque chose d’aussi ancien que les pierres de sa demeure. Quelque chose d’intraitable. » (p. 163)
Voilà un final grandiose ! De nombreux contemporains de Merwyn Peake ont estimé que le troisième volume de cette trilogie était inachevé et uniquement composé de bribes plus ou bien assemblées. Il est vrai que le tome final est plus mince que les précédents, mais il est aussi plus fulgurant. Débarrassé de la pesanteur du rituel, Titus peut enfin progresser et agir. Ses journées ne sont plus ralenties ou engluées dans un cérémonial stérile. L’atmosphère poussière et baroque de Gormenghast s’est allégée et le héros évolue dans un monde plus lumineux, aux contours plus nets et plus tranchants. Enfin, Titus d’Enfer se frotte à la vie. Enfin, il fait l’expérience de l’inconnu. Et si ses pas le ramènent vers Gormenghast, il saura faire le bon choix pour son avenir et sa survie.