Bronson

Roman d’Arnaud Sagnard.

Fils d’un immigré lituanien, Charles Bronson n’a pas toutes les cartes en main au début de son existence. Très tôt, il perd son père et plusieurs de ses frères. Il est contraint de travailler à la mine pour assurer la subsistance des siens, puis appelé à la guerre dont l’horreur le marquera profondément. Pas étonnant qu’il préfère le silence et la réserve. « Charles parle peu, il écoute à peine, on dirait qu’il a dans la bouche un trou où tombent les mots. » (p. 19) Pour réaliser le rêve d’un de ses frères, il part à New York, puis à Los Angeles pour devenir acteur. Sa jeune épouse, Harriett, le suit, et deux enfants couronneront bientôt le mariage. « Au cinéma, justement, je réalise qu’il n’élève jamais la voix. […] Si le cinéma est né pour faire taire le silence, pour l’habiter et l’occuper le plus possible, Buchinsky fait exactement le contraire. Le débutant joue à nu, sans aucun artifice. » (p. 88) Le succès tarde à venir, mais celui qui se fait désormais appeler Charles Bronson est déterminé à trouver sa place.

Le théâtre ne lui réussissant pas, il se tourne vers le cinéma où il devient l’une des gueules les plus emblématiques d’Hollywood. « Il y a pourtant cette évidence, les similitudes entre ce visage et une paroi rocheuse ravinée ou une montagne, cette façon de ne pas laisser prise aux passions liquides ou inflammables telles que l’amour. Bronson est minéral mais ce n’est pas exactement cela. Sans l’avoir jamais vu, on le reconnaît, quelque chose de millénaire passe, il est de toutes les époques, de toutes les fois où un individu a pu penser en regardant le visage d’un autre : je suis face à un mystère et sa solution, face à un sphinx qui formule la question et sa réponse. » (p. 106) Bronson fascine, hommes et femmes. Ces dernières, justement, il en aura beaucoup, mais il se retranche sans cesse de la société. Dans sa gigantesque villa de Bel-Air, Bronson se terre, géant d’airain aux pieds d’argile. Bronson a toujours eu du mal à vivre : sa place n’était pas parmi les vivants. « La mort ne l’abandonne pas, peut-être parce qu’il la tutoie depuis son enfance ou parce qu’il a été son héraut et son interprète. » (p. 243)

On sent toute la fascination du narrateur qui effectue des recherches fiévreuses pour se rapprocher de l’acteur. « On ne mesure pas le pouvoir que confère la consultation d’archives et de témoignages à celui qui s’y adonne. » (p. 52) Comme lui, on n’en finit pas d’observer le visage de Charles Bronson pour comprendre quelque chose aux sillons qui le parcourent. La filmographie de l’acteur se déroule au fil des pages, mais un film en particulier hante le roman et, semble-t-il, l’existence de Charles Bronson, Le flingueur. Ah, profondes sont mes lacunes en cinéma, surtout ancien ! Mais Arnaud Sagnard a ouvert une porte dans laquelle je vais m’engouffrer avec plaisir et curiosité. De Charles Bronson, sans avoir jamais vu aucun de ses films, je connais la gueule brutale (mais tout à fait séduisante) et son corps massif. Ce monstre d’Hollywood appartient à l’imaginaire collectif et Arnaud Sagnard assoit encore un peu plus sa place en le faisant héros du roman de sa propre vie.

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