Simon Limbres n’a pas 20 ans quand il tombe dans le coma après un accident de voiture. « On se réveille du coma, il arrive que l’on se réveille, même des années plus tard, il y a plein de cas comme ça, n’est-ce pas ? » (p. 71) Rapidement, il apparaît que le coma est irréversible : mort cérébrale, c’est fini. Le garçon était beau, riche de tout ce qu’il n’avait pas vécu, jeune dieu marin sur son surf. Mais sur son lit d’hôpital, il n’est plus rien. Rien si ce n’est – à la condition que ses parents acceptent le prélèvement – un donneur d’organes. « Je ne veux pas qu’ils ouvrent son corps, qu’ils le dépiautent, je ne veux pas qu’ils le vident. » (p. 109) Il faut agir vite, obtenir le consentement, identifier des receveurs potentiels, organiser les greffes. Restent Marianne, Sean, Lou et Juliette : la mère, le père, la petite sœur, la petite amie. Tous brisés par ce drame, mais vivants. Comme sont encore vivants ceux qui pourraient bénéficier d’une nouvelle chance avec les reins, les poumons ou le cœur de Simon. Mais le cœur, justement, pompe vitale et indispensable, siège symbolique des émotions et des sentiments, peut-on si facilement le débrancher et le rebrancher dans une autre poitrine ? « Que deviendra l’amour de Juliette une fois que le cœur de Simon recommencera de battre dans un cœur inconnu ? » (p. 148)
Le style est riche et dense : il se déploie et pourrait envelopper le lecteur, mais la narration à distance, comme une voix off, a empêché toute empathie de ma part. Les histoires des nombreux personnages satellites m’ont souvent fait perdre le fil et le lien avec Simon. Le texte est beau, mais froid, clinique, procédural. Le dispositif de prélèvement avec l’agence de biomédecine et tout le processus de greffe sont parfaitement détaillés, mais on perd en émotion ce qu’on gagne en information. Je suis constamment restée à distance de cette histoire que j’avais pourtant terriblement envie d’apprécier. Parce que je suis donneuse d’organes et de moelle osseuse. Parce que le don d’organes sauve des vies.