La révolte

Épreuves non corrigées du roman de Clara Dupont-Monod. Parution ce jour.

« Dans les yeux de ma mère, je vois des choses qui me terrassent. Je vois d’immenses conquêtes, des maisons vides et des armures. Elle porte en elle une colère qui me condamne et m’oblige à être meilleur. » (p. 9) Le narrateur de l’histoire à venir, c’est Richard Cœur de Lion, le fils préféré d’Aliénor d’Aquitaine. Cette ancienne reine de France, désormais reine d’Angleterre, se bat contre son époux avec l’aide de trois de leurs fils pour défendre son Aquitaine. « En réalité, parce qu’ils se ressemblent trop, parce qu’ils se valent, ils deviendront ennemis mortels. » (p. 42) Richard est tout dévoué à sa mère qu’il admire plus qu’un homme, plus que son géniteur qu’il appelle souvent le Plantagenêt, comme si le père et le fils n’étaient pas de la même lignée. « Survit-on à la décision de tuer un père ? » (p. 19) Mais la tendresse et le respect qu’il a pour Aliénor sont pesants : Richard lutte sans cesse pour être digne de cette femme exceptionnelle, doutant parfois d’avoir d’autre destin que celui de faire honneur à sa mère. De bataille en défaite, d’alliance en parole donnée, le troisième fils d’Aliénor et d’Henri traverse le siècle et le monde, de l’Angleterre à Jérusalem. Mais ce sont surtout deux grands pays qui s’affrontent au nom d’une rivalité maritale devenue rivalité royale et politique et finalement fraternelle.

Outre l’hommage qu’il rend à une femme digne de toutes les légendes qui ont été écrites à son sujet, le roman célèbre l’art de la guerre : la stratégie commence bien avant le champ de bataille et la victoire, parfois, est acquise avant le premier coup d’épée. « Personne n’a gagné une guerre sans maîtriser sa colère. » (p. 92) Clara Dupont-Monod a un talent certain pour le monologue, comme elle l’a déjà démontré avec Le roi disait que j’étais diable qui raconte les années de mariage d’Aliénor et de Louis VII, et avec La folie du roi Marc où un époux cocu prend enfin la parole. Ici, Richard Cœur de Lion est le narrateur principal, mais certaines voix s’élèvent ponctuellement : Aliénor, Henri ou encore Aélis apportent par leur témoignage un écho à la parole du bâtisseur de Château-Gaillard. Ce concert de voix fait se dresser sous nos yeux les murailles assiégées et nous fait sentir la puanteur poisseuse qui suit les batailles. Au Moyen Âge, la valeur de la parole était plus grande que n’importe quel papier signé : Clara Dupont-Monod rend ses lettres de noblesse aux mots qui, sous sa plume, ont un immense pouvoir évocateur.

Je ne peux que vous recommander un autre roman ancré dans le Moyen Âge, La passion selon Juette, mais également Nestor rend les armes, roman d’aujourd’hui sur la douleur de l’obésité et de la solitude. Bref, lisez les textes de Clara Dupont-Monod ! J’ai eu la chance de la rencontrer lors de la présentation de la rentrée littéraire des éditions Stock à Lille et nous avons eu une passionnante discussion sur le Moyen Âge, sa culture et sa langue, autour d’une délicieuse tarte aux fraises. Sémillante et pleine d’humour, elle est une interlocutrice attentive et passionnante. Enfin, je vous recommande chaudement deux épisodes de la chaîne YouTube Confessions d’histoire : Aliénor et conséquences et Richard Cœur de Lion et la 3e croisade. Avec humour (beaucoup d’humour !), les protagonistes racontent leur Histoire : c’est aussi hilarant qu’instructif.

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