Civilizations

Roman de Laurent Binet.

Et si les Vikings s’étaient installés en Amérique du Sud ? Et Si Christophe Colomb n’était jamais revenu de son voyage vers les Indes ? Et si les Incas avaient traversé l’Atlantique avant les conquistadors ? Et s’ils avaient établi leur domination sur l’Europe ? « Nous allons voguer vers un nouveau monde, pas moins riche que le nôtre, gorgé de terres. » (p. 73) C’est que propose Laurent Binet dans son uchronie. On y voit un Atahualpa qui rallie ceux que Rome exclue et persécute et qui se paye le luxe de convertir un roi anglais, un certain Henri VIII, au culte du soleil. « La vraie Jérusalem n’est plus à Jérusalem, mais à Cuzco, au-delà de la mer Océane, où se trouve le nombril du monde. » (p. 249)

L’auteur propose un exercice de style ludique et très maîtrisé où tout est inversé pour être réinventé. Le Nouveau Monde, c’est donc l’Europe, et les Incas, nouveaux conquistadors, cherchent à s’y installer, toujours plus loin vers l’Orient. C’est le Far East, en quelque sorte ! Atahualpa écrit les histoires royales d’Europe, sous l’œil de Titien, Michelangelo ou encore Vermeyen qui illustrent ses hauts faits, ses alliances, ses mariages. « L’histoire nous a appris qu’au fond, peu d’événements prennent la peine de s’annoncer, parmi lesquels un certain nombre se plaisent à déjouer les prévisions, et qu’en définitive, la plupart se contentent de survenir. » (p. 84)

Saga nordique, journal intime, épopée élégiaque, correspondance entre grands de ce monde, narration au long court, Laurent Binet explore divers genres littéraires pour constituer son Histoire inventée de l’Europe. C’est brillant, souvent jouissif tant on se régale des trouvailles historiques de l’auteur. « Personne, ne l’ayant vu lui-même, ne pourra croire ce que j’ai vu, et pourtant je peux assurer mes Seigneurs Princes que je n’exagère pas de la centième partie. » (p. 33)

Dans La septième fonction du langage, l’auteur m’avait enchantée par sa plume mordante et son talent pour les rebondissements. Même chose avec Civilizations qui a des airs de jeux de gestion : si je balance des légions d’Incas sur l’invincible armada de Charles Quint, qui gagne ? Au terme de cette lecture, Binet gagne et remporte mon cœur de lectrice une nouvelle fois !

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