Ada meurt en donnant la vie à Sophie. Alexandre est effondré : il avait tellement insisté pour avoir un enfant alors qu’Ada voulait attendre. « Sans la promesse d’un enfant l’amour s’atrophiait, il révélait alors son utilité et sa nature : non pas sentiment élevé, mais instrument de reproduction de l’espèce. » (p. 59) Alexandre doit maintenant vivre sans sa compagne et avec le poids de la culpabilité. Sandra, voisine célibataire et amie de la famille, l’aide beaucoup. « Elle s’était laissé toucher et solliciter après un deuil qui n’était pas le sien. » (p. 89) Les années passent, la blessure cicatrise et Alexandre est prêt pour une nouvelle histoire. Arrive Alba, belle, intelligente, troublante, mais asexuelle, bien que dévorée par le désir de maternité. Se pose alors la question d’enfanter sans sexualité.
Le roman réfléchit avec intelligence à l’injustice sociale entre homme et femme autour du désir d’enfant. « Les pères perpétuaient leur nom – une glorification –, les mères donnaient leur temps – une abnégation. Pouvait-on comparer un orgueil à une dévoration ? » (p. 59) L’asexualité n’est pas un sujet courant ou banal. Il réinterroge l’injonction faite aux femmes de jouir, après celle qui les contraignait/contraint à procréer. La gestation médicale et éthique semble être une libération, la grande solution pour combler toutes les parties, mais à y regarder de plus près, la science peut être cruellement aliénante. « Juste après avoir libéré les femmes des grossesses non désirées, la technique les met sous contrôle. » (p. 241) Alice Ferney a le bon sens de soulever de nombreuses interrogations sans trancher. À chacun son opinion sur ces sujets délicats.
J’avais particulièrement apprécié la brièveté fulgurante de L’élégance des veuves, de la même autrice. L’intimité est un beau roman, riche et fouillé, mais bien trop long à mon goût, avec des tendances pénibles au ressassement. En outre, la fin me déplaît particulièrement. Après avoir développé un discours féministe parfaitement maîtrisé, argumenté et solide, le roman s’achève sur une quasi-victoire de la volonté masculine. « Le drame des femmes, et qui n’est jamais celui des hommes, c’est qu’elles peuvent être trop bien. » (p. 141) Outre que cela heurte ma nature féministe, cela chagrine la lectrice que je suis, parce que je ne trouve pas cela logique. Les deux premiers tiers du texte m’ont vraiment enthousiasmée, mais la fin me laisse déçue et dubitative.