Roman de Samuel Lebon, photographies et texte.
L’ouvrage s’ouvre sur une image de sièges vides, comme pour inviter le lecteur à prendre place devant la fantasmagorie proposée par l’auteur. Vous êtes bien installés ? Voici donc l’histoire d’un auteur en quête d’écriture, trop souvent rattrapé et dépassé par son goût pour la séduction et l’alcool. « Roth ou Wolfe. Je ne savais quel héritage revendiquer. Je pourrais être leur bâtard. La réincarnation croisée du juif libidineux et du dandy gonzo. Philip Wolfe. Tom Roth. Je vais partir sur Bukowski. Adieu romantisme héréditaire, bonjour viande saoule et damnation littéraire. » (p. 22) Le narrateur est un père séparé, en résidence à Deauville pour créer un texte, ou peut-être une exposition photographique. Il ne sait pas trop. Il va jusqu’en Amérique trouver l’inspiration. Ou peut-être n’est-ce qu’un autre délire ? Les femmes défilent dans ses draps et dans ses fantasmes. Une seule reste inaccessible, Delphine. Et tandis que le spectre de Marguerite Duras vient chatouiller la barbe du vieux Charles, l’auteur/narrateur contemple ses échecs et ses inachèvements. « Il n’y a qu’à moi que je peux pardonner d’être décevant. Seules mes propres défaillances peuvent être oubliées. » (p. 90) Complaisance ou stratégie de survie ? À vous de décider, lecteurs avachis dans des fauteuils inconfortables.
Cette lecture m’a occupée une quarantaine de minutes. 96 pages, dont un certain nombre consacré à la photographie, ça se lit vite. La vacuité également, ça se parcourt rapidement. On en fait rapidement le tour. Immédiatement après avoir fermé le livre, je pensais n’avoir rien lu. Quelques élucubrations sans intérêt d’un aspirant écrivain sans motivation. La nuit a passé. Au matin suivant, je me dis que Samuel Lebon propose une œuvre complète et cohérente. Une projection personnelle sans aucun doute, mais surtout une façon d’interroger l’acte créatif et ses ressorts, ses impasses et ses découragements, ses fulgurances et ses évidences. Satan mène le bal n’est pas un manuel pour auteur en herbe. Ou si ça l’est, c’est un anti-manuel : voilà tout ce qu’il ne faut pas faire si vous voulez faire œuvre créative, car ce qui a marché pour l’avatar de Samuel Lebon n’arrive qu’une fois sur des millions. Et le diable est plutôt avare de ses largesses… Ce roman reste une énigme, mais avec le recul, je suis satisfaite d’avoir tenté de la percer.