« Je vous donne ici des phrases de mon cru dont le plus souvent vous ne trouverez trace ni dans mes œuvres ni dans ma correspondance ni d’une façon générale dans aucune archive. Deux siècles après sa naissance, un auteur doit se renouveler. » (p. 26 & 27) Gustave Flaubert est dans sa baignoire et, alors que la mort s’approche, il convoque ses souvenirs, ses amis, ses amants, ses maîtresses et ses personnages. Alfred Le Poittevin et Maxime du Camp, Élisa Schlésinger, Louise Colet et Guy de Maupassant, tous revendiquent une dernière fois l’attention de l’auteur. « Quand je suis remonté à la surface, elle avait disparu. Les personnages n’existent pas davantage que les dieux. » (p. 12) Le gueulard Flaubert entame une âpre discussion avec la Bovary qui lui reproche l’histoire qu’il lui a donnée. Dans un délire pré-mortem, il réécrit ses œuvres et sa vie.
J’avais beaucoup apprécié le roman Claustria de l’auteur. Je n’ai rien lu d’autre de lui, mais un texte sur Flaubert avait tout pour me plaire. La première partie a répondu à mes attentes : c’est avec tendresse que j’ai suivi le jeune Gustave dans son ivresse de mots et de lectures. « À la puberté la logorrhée me poussa plus dure encore que la barbe au pubis. » (p. 49) Avec compassion, j’ai assisté à ses crises d’épilepsie. Mais la deuxième partie m’a laissée sur le côté. Passant de la première à la troisième personne, la narration se veut résolument plus fantasmagorique. Mais ce que le texte gagne en imagination, il le perd en humanité. Bien loin de donner une dimension nouvelle et originale à un auteur sur lequel on a déjà tant écrit, Régis Jauffret en fait une silhouette encore plus floue, un ectoplasme. Dommage. Mais ce livre m’a donné envie de relire Madame Bovary, pour la énième fois.